« Comme tu en pinces,
comme tu en pinces,
pour le Prince »
Que restera-t-il d’une seule chanson jetée sur YouTube en été ? Le fantasme d’un tube à l’essai, d’un nombre de vues millionnaire, ou d’un geste pour la beauté, de l’art pour l’art. Le label Herzfeld de Strasbourg s’entête depuis une dizaine d’années, via son site, à proposer un format quasi-gratuit (3 euros) et c’est tant mieux : dernier en date, ce Prince de Perse, par Vaillant, sorti de la tête d’Olivier Stula (ex-Second Of June) qui nous émerveille. On pourrait régler l’affaire d’une paresseuse et comique analogie : un New Order 87 bien cramé (ces basses profondes et mourantes) mené par un Plastic Bertrand sous anxiolytique (cette voix étrange aussi fragile qu’elle semble sûre de son fait) fait tourner une ritournelle sans fin, une boucle, parfaite, pourquoi pas, en bande-son d’un jeu vidéo du même nom. Mais l’affaire nous emmène bien au-delà, Vaillant déployant une sorte d’héroïsme new wave lyrique et planant qui va bien au-delà de l’anecdotique : des nappes de synthé denses et amples, musclées, nous transportent dans une ambiance d’Europe Centrale fantasmée, urbaine et désertée. Vaillant scande sans oublier de chanter des paroles cryptées et imagées mélangeant histoire intime (un adultère) et figures de péplum oriental. Après un très bel album instrumental et muet Mirage orange (2019) suivi d’une compilation tout aussi pointue, Magie Noire +, le strasbourgeois a trouvé sa langue. Pas dans une pochette surprise de fête foraine, ou alors si, mais filmée par Winding Refn, ou Fassbinder, au choix. Tube de mon été 2021 à Hambourg, de loin.