Trésor National est une structure indépendante de rééditions dédiée au patrimoine de la Belle Province. Si le catalogue est varié, comportant notamment une bande originale (Viens Mon Amour de Paul Baillargeon & Dean Morgan), le label semble avoir développé une certaine appétence pour les années 80. Un choix judicieux : la musique québécoise de la décennie yuppie n’a pas eu en France la résonance des artistes de la génération précédente (Robert Charlebois, Harmonium, Offenbach, Michel Pagliaro etc.). Pourtant nos camarades francophones ont eu quelques belles réussites à leur actif.
Lime squattait les dancefloors avec ses tubes Hi-NRG tandis que Men Without Hats ou Trans-X obtenaient des succès internationaux avec leur musique pop synthétique. Rational Youth secouait quant à lui l’underground avec des hymnes comme Cité Phosphore ou Saturdays in Silesia. Les compilations Nome Noma tentent ainsi de rendre justice à cette vigoureuse scène, largement passée sous les radars, notamment à l’étranger. En 2020, Trésor National publiait un premier volume dont l’accueil fut chaleureux, bien au-delà du Québec. Depuis novembre dernier, un deuxième vinyle accompagne désormais cette exploration proche de l’archéologie. Le label n’a pas fait les choses à moitié pour l’occasion, réunissant des inédits et des morceaux cultes. Les compilateurs ont aussi soigné l’organisation des chansons. Nome Noma offre alors une expérience d’écoute assez réussie, en particulier dans sa deuxième moitié, très cohérente et percutante.
Le groupe C.C. Orchestra ouvre les festivités avec un Life is a Blast étonnant. Le morceau (en anglais) convoque en effet la no-wave minimaliste d’ESG ou les soubresauts post-punk de The Slits. Au milieu de détonations post-punk électriques (Blueprint, The Essentials), la synth-pop de Red Shift surprend agréablement. La musique synthétique est d’ailleurs à l’honneur sur la face B. Si R.I.T.A. Ordinateur des Androïdes rappelle curieusement Beta Gamma l’Ordinateur d’Henri Salvador (thème et certains choix de productions), Do Not Stack de Wwindo se pare d’une rythmique frénétique et nerveuse. Nationale 7 de Men Without Hats est la grosse découverte de cette deuxième partie. Un des rares morceaux en français du catalogue du groupe, la chanson ne présente aucun lien avec la chanson homonyme de Charles Trenet reprise aussi par les Honeymoon Killers. Elle doit plus à David Vincent qu’aux vacances… La production y est superbe, convoquant des pionniers comme Kraftwerk ou Telex. Nome Noma 2 se conclut enfin sur un Amour Programmé de Nudimension, une dernière plongée synthétique pour la route par un ancien musicien des 222s. Au-delà de la qualité musicale du projet, Nome Noma 2 est aussi un bel objet, accompagné d’un fanzine passionnant détaillant les biographies des groupes ici présents. Espérons que cette deuxième incursion dans les années 80 au Québec sera suivie d’autres volumes.