On se souvient forcément de la première fois. Surtout de la première fois où on a écouté une production Italians Do It Better. 20 rue du Sentier, dernier étage, un bureau en face de l’entrée, un bureau qui donne sur un balcon. Une personne de confiance qui tend un CD et affirme : “Je crois que ça peut te plaire”. Une boucle, une guitare, une voix et le fantasme qui devient réalité – The Cure aurait enfin découvert le XXIe siècle et embrigadé une femme… À partir de ce moment-là, on a surveillé de près toutes les productions du label américain – et ça continue aujourd’hui. En 2009, on avait pu se procurer ce maxi. On ne savait rien ou pas grand chose. On a écrit ça, vite, parce qu’on n’a pas envie de réfléchir quand c’est un coup de foudre. On fonce, on verra après quoi. Dans le texte qui suit, il y a des erreurs. Des erreurs factuelles – le type s’appelle Richard Durham, Johnny Jewel n’est en fait pas loin (et pour la petite histoire, Twisted Wires a ensuite réalisé un deuxième maxi sept ans plus tard et les deux disques sont compilés sur le CD Half Lives, paru en 2017). Mais pour l’émotionnel, je ne changerais pas une seule virgule.
TWISTED WIRES, One Night At The Raw Deal (Italians Do It Better, 2009)
Depuis la sortie de l’album humide de Chromatics, on garde forcément une oreille attentive sur toute sortie siglée Italians Do It Better, ce label improbable qui trouve toujours de nouvelles positions pour rapprocher un peu plus disco et new ou cold-wave. Dans la plupart de ces miracles electrorgasmiques (Chromatics, donc, mais aussi G/L/A/S/S/ Candy ou, plus récemment, cet incroyable Desire), est impliqué le néoromantique larmoyant Johnny Jewel, champion du monde de la découverte de voix féminines caressantes. Alors, quand on tombe sur une nouvelle formation dont le chanteur est masculin et où ledit Johnny n’est pas a priori partie “prenante”, la curiosité s’en trouve décuplée. Et d’autant plus attisée qu’aucune info ne “filtre” sur Twisted Wires. Une rencontre à l’ancienne, quoi. Vous avez beau tenter de remuer toute la Toile, impossible de trouver le moindre renseignement compromettant. Quelques photos, une ville d’origine (Houston, Texas) et le nom sans doute inventé d’un leader supposé, Kim Systems. Mais après tout, on s’en fout. Puisque reste l’essentiel, à savoir la sortie de ce premier (?) maxi menaçant, scindé entre l’angoisse refoulée et la jouissance partagée que procure One Night At The Raw Deal. Guitare réverbérée, rythmique palpitante, chant névrosé, boucles obsédantes, basse terrorisée, Atmosphere fascinante : impossible de sortir indemne de cette odyssée de près de sept minutes, pendant laquelle Scott Walker se penche au chevet de Section 25 – circa From The Hill, bien sûr. Ode impitoyable pour aube crasseuse et fin de nuit déglinguée, ce morceau d’apocalypse s’impose presque comme la bande-son d’un été gonflé de Desire (oui, encore). Et rappelle qu’à chaque fois qu’il est question de coups de boule (à facettes), Italians Do It Better.