Those Pretty Wrongs, Holiday Camp (Curation Records)

L’essentiel semble d’emblée condensé dans la grâce d’un titre. New September Song en l’occurrence, comme un clin d’œil presque trop évident adressé au poids de l’Histoire passée – September Gurls –  et une promesse de renouveau d’arrière-saison. Quelques mois après son soixante-dixième anniversaire, Jody Stephens aurait pu songer à savourer la tranquillité d’une retraite musicale bien méritée en se reposant paisiblement sur les lauriers du culte : personne n’aurait songé à l’en blâmer, encore moins à l’en extraire. Que le dernier membre survivant de Big Star consacre même une partie de son temps à entretenir le legs auquel il a lui-même apporté une contribution importante en assurant la codirection des studios.

Those Pretty Wrongs
Those Pretty Wrongs

Ardent de Memphis, ceux dans lesquels la légende a commencé à s’écrire il y a cinquante ans, ou en apparaissant ponctuellement derrière les fûts de sa batterie pour soutenir quelques héritiers doués – The Student Becomes The Teacher, 2018 de The Lemon Twigs : voilà qui pourrait passer pour les simple prolongements d’une logique patrimoniale louable et discrète. Entretenir et transmettre avant de disparaître : heureusement, ce n’est pas tout. Depuis 2016, Stephens s’est associé avec le guitariste et songwriter Luther Russell, ex-The Freewheelers, au sein de Those Pretty Wrongs pour se risquer dans les nouveaux développements tardifs d’une œuvre qu’il aurait sans doute été plus simple de considérer comme définitivement achevée. Trois albums plus tard, force est de constater que cette décision aventureuse a été la bonne.

Des trois albums enregistrés par le duo, Holiday Camp est-il le meilleur ou, simplement, celui qu’on a le plus envie d’écouter ? Difficile, à chaud, de trancher de façon péremptoire. Toujours est-il qu’on éprouve un sentiment inédit d’exaltation à l’écoute de ces chansons qui n’auraient dû susciter que cette sérénité tranquille communément associée à la familiarité des retrouvailles. Les marques de la continuité génétique avec la matrice originelle sont indéniablement présentes, plutôt dans la filiation avec Chris Bell qu’avec Alex Chilton. Les langueurs mélodiques plutôt que les tourments ostensibles. Mais il y a autre chose, plus puissant et plus personnel. Le choc des paradoxes, peut-être. Un disque de printemps aux tonalités douces-amères de l’automne publié par un jeune homme septuagénaire : voilà qui est suffisamment étonnant pour que l’attention et l’intérêt survivent au charme instantané des premières écoutes.

Une fois identifié ces premiers contrastes, on pressent cependant que les précieux mystères de ces chansons ne s’aboliront pas de sitôt, pas si aisément. Il y réside une forme de fluidité plus profondément marquante et qui tient à l’harmonie ente les structures et les mélodies à la simplicité apparente et assumée d’une part, et les subtilités des arrangements qui, par quelques détails ponctuels et judicieusement disposés, parviennent à conférer une profondeur mélancolique à ces morceaux pop. Quelques touches de guitares électriques et de percussions qui rehaussent les tonalités acoustiques de This Painted Sky ; deux ou trois mesures de cordes composées par Chris Stamey – un admirateur de toujours – sur Scream ou Brother My Brother. C’est amplement suffisant pour sublimer une voix très émouvante et qui fait songer à celle du Donovan de Sutras, 1996 : claire et marquée à la fois, arborant sans chercher à les dissimuler les altérations de l’âge mais suffisamment assurée pour ne pas qu’on la soupçonne de surjouer l’intensité dramatique des échéances de plus en plus imminentes. C’est beau de vieillir parfois.


Holiday Camp par Those Pretty Wrongs est disponible sur Curation Records.

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