L’univers réserve parfois des connexions insoupçonnées, comme tomber sur un tweet d’un label espagnol que nous suivons à propos d’un groupe américain, sur lequel nous avons écrit il y a quelques années déjà. Merci donc aux Barcelonais de Discos de Kirlian de nous permettre de nous rappeler au bon souvenir des Yetis d’Allentown en Pennsylvanie. Le hasard est particulièrement heureux, quoi qu’un peu triste. Si les deux singles virtuels (parus en 2014 et 2015) des Américains ont enfin une sortie physique en 45 tours; la formation a elle, disparu depuis quelques années. Discos de Kirlian prend donc le risque d’éditer les enregistrements d’un groupe qui ne pourra les défendre. Le risque est modeste (une centaine de copies pressées) mais tout à l’honneur d’un très attachant label pop catalan piochant son nom dans un classique basque (le Donosti Sound) de l’indie-pop ibérique (coucou Christophe), développant un catalogue personnel autour d’objets soignés et personnalisés. Il émane ainsi de la démarche les effluves du fanzinat, de Sarah Records, et plus généralement de l’amour portée à une pop artisanale construite autour de jolies mélodies ne cherchant pas l’épate gratuite. The Yetis, vous vous en doutez, rentrent à merveille dans le cadre, à tel point que nous les avions nous même convoqués dans un Sous Surveillance en décembre 2015 ! Nous y évoquions la future sortie d’une cassette chez Lolipop Records, label branché de Los Angeles, elle n’eut pas lieu. L’article en question entraîna cependant une autre curieuse connexion. Oui, encore une. L’un des membres des Yetis (Nicholas Godard) lança un projet avec un des musiciens des Caennais Beach Youth (Etienne Froidure) sous le nom de San Dame, publiant même un premier morceau prometteur. Si The Yetis n’est plus, leur musique conserve sa fraîcheur malgré quelques trois années au compteur. Certes l’ensemble n’a absolument rien de révolutionnaire, une pop de plage mignonne quelque part entre les Beach Boys des débuts, Best Coast ou les mésestimés Young Veins, mais il jaillit de cette matière si classique un charme réel et addictif. Les petits gars savaient écrire de bonnes chansons et les interpréter avec cœur. À la fois peu et beaucoup, me direz vous. Tout à fait. Pas assez original et flamboyant pour intéresser les parangons d’une presse blasée à la recherche de story telling à refourguer à leur lectorat toujours moins nombreux, suffisamment en revanche pour intriguer tous les passionnées de la chose pop, les dévots prêt à se damner pour une harmonie lumineuse ou un refrain bien troussé. Les quatre chansons n’accusent que peu les marques du temps, peut-être parce qu’elles étaient déjà outrageusement classicistes à leur enregistrement. Nous y croisons la naïveté des premiers 45 tours des Beatles (Where You Goin’), les voix soignées des Everly Brothers (la super chouette Mysterion) ou le soleil des romances de Jan & Dean (Little Surfer Girl, Warm California). Pas si mal que ça non ? Les choses auraient-elles été différentes si The Yetis avaient été de Californie plutôt que de la plus froide Pennsylvanie ? Peut-être, peu importe maintenant, restera ce très beau 45 tours, à moins que nous nous trompions à nouveau.
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