Depuis quelques années, le post-punk connaît un nouvel âge d’or (Black Country New Road, Wet Leg, Dry Cleaning, Squid, Yard Act entre autres). Les racines du genre furent plantées, entre l’Angleterre (Wire, PIL, Gang of Four, The Fall, Joy Division, Magazine) et les États-Unis (Devo, Pere Ubu, Television), dans la seconde moitié des années 70. Rarement cités parmi les pionniers, The Sound mérite cependant toute notre attention. Si Jeopardy, premier album du groupe, ne sort qu’en 1980, il est le produit d’une recherche sonore, entamée quelques années plus tôt, par Adrian Borland. Ce dernier enregistre, en effet, deux albums avec les Outsiders en 1977 (Calling On Youth) et 1979 (Close Up). Leur son s’éloigne cependant déjà du punk anglais d’alors.
Avec son nouveau groupe, Adrian Borland tenait son billet pour devenir une figure de la musique pop anglaise, mais le destin en décida autrement. Malgré une signature chez Korova, un éphémère label monté par WEA pour sortir les disques d’Echo & The Bunnymen, The Sound ne trouva pas sa route jusqu’aux charts britanniques. Emprisonné dans le statut de groupe culte, The Sound, comme Love ou The Zombies, a manqué son rendez vous avec l’histoire. Les disques sont cependant heureusement là pour témoigner de la qualité du groupe. Jeopardy inaugure la discographie de la plus belle des manières. The Sound y développe une musique personnelle faite de tensions et explosions. Les chansons fulminent. The Sound balance d’ardents brûlots à notre face qui n’en demandait pas tant.
Du punk, The Sound a assurément su conserver une énergie vitale prodigieuse. Pourtant Adrian Borland et sa bande, ne cherchent jamais à enfermer leur musique dans d’étroits carcans. Un romantisme perçant affleure sous les strates de guitares et drones de synthétiseurs. Adrian Borland incarne ses compositions d’une voix vibrante et déchirante. Pour preuve, I Can’t Escape Myself Myself ouvre les hostilités. Après un couplet en retenue, la chanson se fracasse sur un mur de guitares assourdissantes. Heartland rue dans les brancards sans faire de prisonniers. La face A se conclut sur la mémorable Missiles, peut-être la plus emblématique du disque. La sensibilité de Borland y est mise à rude épreuve. Chaque intonation semble sortir des tréfonds de l’âme du chanteur. Heyday est le tube inconnu de 1980, une chanson pop et nerveuse servie par un solo de guitare mémorable et des accords d’orgue frénétique. Night Versus Day nous plonge dans un trip angoissant et étouffant : ses nappes de synthétiseurs évoquent de stridentes alarmes. Unwritten Law déborde d’une révolte sourde. À l’avant-gardisme et aux recherches formelles de certains camarades, The Sound préfère une musique au plus juste de ses émotions. Froide en apparence, les chansons de The Sound bouillonnent et remuent comme des animaux sauvages menacés. Jeopardy saisit le groupe au croisement entre punk et new wave, il est un témoignage électrisant et bouleversant de la richesse de la scène britannique (The Comsat Angels, The Chameleons) du début des années 80.