Depuis quelques années – on ne va pas s’en plaindre – un petit club de groupes américains ont su redonner du lustre au post-punk, constituant un nouveau sous-courant que quelques obsédés de la catégorisation ont nommé egg punk. Leurs noms ? Lithics, Snõõper ou encore Diode, pour ne nommer que les plus intéressants d’entre eux. S’abreuvant aux meilleures sources, ils ont notamment emprunté à Devo une certaine raideur rythmique mécanique ainsi que cette façon de chanter toute robotique qui a fait la gloire du quintette de Milwaukee. Ils se distinguent néanmoins de leurs illustres mentors par une production plus brute et sans chichis, plus caractéristique du punk pur sucre. Mais chez Diode, on apprécie particulièrement l’usage de synthés vintage et minimalistes, qui ajoute une dimension presque pop à l’ensemble. On ne
résiste pas non plus à la voix de furie de la charismatique Kiana (KT dans ce Selecto) qui apporte un grain de folie très réjouissant à la musique des Californiens. On recommandera à ceux qui découvriraient Diode aujourd’hui d’aller jeter une oreille aux excellents morceaux que sont Tomothy, Ugly, ou la formidable Card Dealer, meilleur titre de 2, leur dernier disque sorti cette année sur le très estimable label Under The Gun Records. Kiana, Theo et Vinny se sont prêtés au jeu du Selectorama, et le moins qu’on puisse dire, c’est qu’on s’attendait pas à y trouver le dernier morceau ! Continuer la lecture de « Selectorama : Diode »
Étiquette : Lieu : Etats Unis
Catégories Chronique en léger différé
Clairo, Charm (Clairo Records)
En 2017/2018, la jeune chanteuse Claire Cottrill se fait connaître via internet avec ses chansons Pretty Girl ou Flamin Hot Cheetos, et la voilà devenue égérie de la bedroom pop sous le nom de Clairo. Deux albums suivent logiquement en 2019 et 2021. Clairo travaille alors avec Rostam (Vampire Weekend) sur Immunity en 2019. Le décrié faiseur de hits Jack Antonoff (Taylor Swift, Lorde, Lana Del Rey…) prend le relais sur Sling deux ans plus tard. Loin de se laisser impressionner par leurs CV, Clairo y développe une pop boisée, délicate, entre folk et indie. Pour Charm (2024), Clairo s’extirpe de cette case fort pourvue et concurrentielle, à la recherche d’autre chose. Continuer la lecture de « Clairo, Charm (Clairo Records) »
Catégories post live
Bill Callahan, Solo Residency
Alors que l’on décroche dans les rues parisiennes les derniers vestiges d’Olympiades qu’un leader hors-sol et désavoué peine à voir s’achever, Bill Callahan prend la Bastille pour deux soirs à l’approche de l’automne. Autant dire que la fête est terminée. Sur l’affiche de sa tournée européenne (Paris, Bruxelles, Dublin, Manchester et Londres), un simple mot d’ordre : Solo Residency. Soit un euphémisme de plus pour ce texan qui, même accompagné, semble toujours bien seul sur scène. Avec son allure de comptable – parfois déguisé en cowboy de pacotille – et son regard de serial killer, Callahan ne manque pourtant pas d’humour. Plutôt noir, l’humour. On le sait capable d’emmener son public au septième fiel… Cette fois au plus près de l’os, donc. Continuer la lecture de « Bill Callahan, Solo Residency »
Catégories interview
Joe Casey : « Il y aura toujours de la colère dans Protomartyr »
Difficile de ne pas sentir, au premier abord, intimidée par la présence de Joe Casey, leader charismatique de Protomartyr. Quand on a déjà vu le bonhomme sur scène, on se figure le costume noir, la bière glissée dans la poche, la clope à la main, le visage rougi par la puissance de ses esclandres. C’est bien ce personnage que les festivaliers de la Route du Rock allaient retrouver quelques heures plus tard sur la Scène des Remparts mais en attendant, cet après-midi-là, c’est un Joe calme et attentif qui s’est assis à côté de moi. L’occasion de discuter de Détroit, sa ville et son inspiration, de son ressenti face au récent boom de la scène post-punk, ou de la manière dont Formal Growth in the Desert, dernier album du groupe paru en juin, l’a aidé à faire face au deuil. Un échange honnête, dans lequel l’homme de bientôt cinquante ans, bien que toujours révolté, admet vouloir explorer d’autres voies que la colère, tout en continuant avec ses musiciens à « jouer vite », comme pour contrer le passage du temps.
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Catégories selectorama
Selectorama : Ian Svenonius
Ian Svenonius n’est pas du genre à se reposer sur ses lauriers. Depuis plus de 35 ans, avec pas moins de 20 albums sortis sous différentes bannières – Nation of Ulysses, Cupid Car Club, Weird War, The Make-Up, Chain and the Gang etc. – et des milliers de concerts à travers le monde, le dandy rocker de Washington D.C. n’a eu de cesse de donner de sa personne. Le voici de retour avec le savoureux nouveau single Black Gold, extrait de l’album Charge Of The Love Brigade, à paraître dans les semaines qui viennent sous l’avatar d’Escape-ism. Je parle de retour mais depuis 2017, Escape-ism a été omniprésent, sortant tout de même 4 albums coup sur coup – notamment le remarquable The Lost Record – ainsi que l’admirable single Rebel Outlaw en février dernier, qu’on a écouté et réécouté compulsivement depuis. Svenonius avait même eu l’humour culotté de faire presser en vinyle The Silent Record – désormais épuisé –, disque entièrement silencieux, sorte de version musicale du Carré blanc sur fond blanc de Kasimir Malevitch. John Cage aurait certainement apprécié ! En 2017, Svenonius s’était également offert le plaisir de publier un livre désopilant ; Stratégies occultes pour monter un groupe de rock, ouvrage dans lequel on avait retrouvé tout l’esprit facétieux de ses délectables interviews. Continuer la lecture de « Selectorama : Ian Svenonius »
Catégories interview
Deeper : « Aujourd’hui, c’est presque une insulte d’être qualifié de post-punk »
Deeper, ça a d’abord été pour moi une révélation sur scène, en novembre dernier à la Boule Noire. « C’est trop bien, non ? », « Il chante un peu comme Robert Smith, tu trouves pas ? » ; je cherchais confirmation autour de moi. J’avais assez apprécié ce que j’avais écouté pour avoir la curiosité d’aller au concert, mais je n’avais pas imaginé être aussi impressionnée. Parce que Deeper, c’est un peu générique comme nom, des nouveaux groupes de post-punk il y en a plein, et puis on ne sait pas trop à quoi ils ressemblent, ces gars-là. C’est qu’ils jouent de cette musique pressée, à guitares aiguisées et motifs répétés à laquelle il est si tentant de mettre une étiquette. C’est peut-être cette voix qui fait la différence en trahissant – pour le meilleur – la sensibilité mélodique du groupe ; il y a en tout cas, aux premières résonances de chaque titre, cette efficacité immédiate et cette pensée : « Ah non, c’est elle ma préférée ». Au micro, c’est Nic Gohl, chanteur et guitariste, leader par défaut d’un quatuor dans lequel aucun ne prend plus de place que l’autre ou ne cherche à paraître différent de ce qu’il est. Continuer la lecture de « Deeper : « Aujourd’hui, c’est presque une insulte d’être qualifié de post-punk » »
Catégories chronique réédition, mardi oldie
Mark Lanegan, Bubblegum XX (2004, rééd. Beggars Arkive)
Cinquième album de Mark Lanegan, Bubblegum (2004) est une rupture dans la discographie de l’ex-Screaming Trees. La carrière solo de Mark Lanegan commença au final comme un accident. Enregistrant des reprises avec Kurt Cobain et Kris Novoselic, Lanegan sortit en catimini en 1990 The Winding Sheet grâce à une avance de Sub Pop. Ce disque est sec comme un coup de trique et décharné à l’extrême. Mais sans s’en rendre compte, Mark Lanegan venait de débuter une nouvelle carrière avec évidemment de nouveaux ennuis. L’enregistrement du disque suivant, Whiskey for the Holy Ghost (1994), dura des années et fut un cauchemar pour le label ainsi que pour les ingénieurs du son qui osaient s’approcher de la console. Sur ce disque, comme sur les trois suivants, Lanegan traçait sa voie bordée par les ombres de Jeffrey Lee Pierce et de Johnny Cash. Ce dernier, séduit par l’âme noire de ce grand échalas, lui proposa d’ouvrir pour lui lors d’une de ses tournées américaines. Johnny Cash, le Gun Club… Toutes ces références vont être mises en arrière plan avec Bubblegum. Lanegan casse son jouet (une habitude) pour se créer une nouvelle identité. Continuer la lecture de « Mark Lanegan, Bubblegum XX (2004, rééd. Beggars Arkive) »
Catégories selectorama
Selectorama : R. E. Seraphin
Pour son second album Fool’s Mate, Ray Seraphin confirme et prolonge les belles promesses déjà saluées en ces colonnes il y a quatre ans. Membre désormais éminent de la scène indie californienne, il témoigne d’une érudition impressionnante sans pour autant sombrer dans le pastiche révérencieux. Du bruit, des mélodies et du style : on retrouve ces mêmes ingrédients dans la sélection proposée. Continuer la lecture de « Selectorama : R. E. Seraphin »