En m’installant à Strasbourg en septembre 1989 pour y suivre des études d’Histoire, je ne me doutais pas que toute une région allait m’embrasser dans toute sa diversité et sa flamboyance rock’n’roll et dérivés. Par cercles concentriques, par ensembles proches mais disjoints, j’allais de loin en loin pouvoir me créer mes propres affinités en m’appuyant sur les épaules de mes géants à moi : les frères Danet dont le trio avec Marc Fischer, Ghetto Blaster Blues, allaient devenir Le Plus Simple Appareil et qui me traînaient aux concerts, Hervé et Elsa qui m’ouvraient les portes de leur appartement et de leur discothèque impeccable (Modern Lovers, Television Personalities pour commencer), Isabelle & Valérie avec qui on lisait le New Musical Express et les Inrockuptibles, avec qui on écoutait Bernard Lenoir, la famille Limelight (Emmanuel Abela et Bruno Chibane) qui s’occupaient du ciné club couru, pointu, populaire de l’Université, et de leur revue cinéma format italien, Karine, lumineuse, qui portait les cheveux courts et des vestes en daim d’occasion, Mathieu et Sophie dans leur Simca Aronde dans laquelle j’aimais me lover sur la banquette arrière, la nuit, la Happy Alsatian Family (les futurs Original Folks, le futur Etienne Greib), le studio Downtown de Didier, situé à Illkirch dans une ancienne usine Knorr, les magasins de disques d’occasion (la Seconde Main et sa vendeuse mystérieuse et impassible surtout), la FNAC et plus tard Babouin 1er… Et j’en oublie. Et puis il y avait cette famille régionale éloignée : d’un côté, la cité ouvrière mulhousienne pleine de morgue des Sun Plexus, et KG, réfugiés pour un temps seulement au nord, dans leur Shotgun Gallery puis à la Prison, et de l’autre, la ville plus feutrée, Colmar, tout aussi déterminée dans la pop internationale underground. C’était Hiéro, bicéphale dans la musique (Nicolas Jeanniard) et le cinéma (Jean-Damien Collin), et c’était enfin la nébuleuse Manson’s Child, derrière lequel se cachait une histoire déjà longue comme deux bras, celle de Mathieu Marmillot. Interconnectés, nous l’étions tous, sans fil, sans écran, et sans clavier, et ça prenait du temps. Il y a quelques semaines, j’ai roulé jusqu’à Mulhouse pour voir Joseph Fisher en concert, c’était organisé par Mathieu. J’y ai découvert l’existence de sa revue au numéro unique (pour le moment), Parklife 60, dont il a bien voulu me parler, en plus de tout le reste. Continuer la lecture de « Papivole #11, mon histoire avec la presse musicale, 1978-2018 : le fanzine Parklife 60 »