J’ai eu l’immense chance de grandir dans une maison dans laquelle on écoutait en permanence de la musique très cool. Avant même d’être ado, dans les années 70, j’étais toujours branché sur une radio spécialisée dans la soul et le R&B, et je me suis plongé dans la collection de disques de ma mère (constituée de trucs comme Parliament–Funkadelic, Ohio Players, James Brown, de Philadelphia soul, etc.) et dans les 45 tours de Doo-Wop et de groupes de chanteurs de R&B que mon père avait achetés quand il était jeune. Lorsque j’ai commencé à m’offrir mes propres disques, j’ai été attiré par des artistes du même genre, mais j’ai aussi eu la chance de faire l’heureuse rencontre de Trans Europe Express de Kraftwerk, dont le disque entier était régulièrement diffusé sur la plus grosse station radio de Washington. En fait je n’écoutais pas beaucoup de rock et je trouvais celui des seventies particulièrement ennuyeux, à part quelques très bons disques des Raspberries, de Badfinger ou de David Bowie.
A l’âge de douze ans, j’ai déménagé dans une nouvelle ville située dans le Maryland et naturellement, la première chose que j’ai entreprise en arrivant là-bas a été de faire le tour des stations radio locales pour trouver celle qui me conviendrait. Alors que je passais de l’une à l’autre, je me suis arrêté net en tombant sur Teenage Kicks des Undertones, titre qui m’a immédiatement accroché. Je ne me souviens plus très bien du morceau qui est passé après, mais je suis resté bloqué sur cette station (WHFS, totalement légendaire pour moi), et dans les semaines qui ont suivi, j’ai découvert tout ce dont on peut rêver : les Ramones, The Jam, The Clash, les Buzzcocks, tout ça au milieu de groupes New Wave plus commerciaux, de trucs de Stiff Records, de Rough Trade, de Fast, de Factory, de 2-Tone et j’en passe encore. J’ai cherché à approfondir mes connaissances sur tous ces groupes et je suis tombé sur le NME, sur Melody Maker, et surtout sur un magazine new-yorkais incroyable qui s’appelait New York Rocker.
J’étais un peu trop jeune pour avoir découvert le punk au moment de son apogée, mais j’étais fin prêt pour faire la rencontre de disques susceptibles de transformer ma vie. Et il y en a un qui s’est vraiment imposé à moi, qui m’a sauvé quand j’avais l’impression d’être un moins que rien, que j’étais au fond du trou ou miné par la solitude, c’est Transmission de Joy Division. Je me souviens de l’avoir découvert à la radio et j’entends encore la voix du DJ l’annonçant comme « le nouveau single d’un nouveau groupe intéressant ». Pour ma part, j’ai senti dès les premières notes que Joy Division avait vraiment quelque chose de particulier. J’avais déjà écouté des disques de post-punk, des trucs DIY, mais Transmission ne sonnait pas comme un truc bringuebalant et bricolé à la va-vite. Il y avait l’intensité et l’énergie que j’aimais dans le punk, mais ça semblait vouloir aller plus loin. C’est toujours un disque qui me colle des frissons, et à l’époque il a contribué à révéler oserais-je le dire? mon côté « goth ». Il y avait là-dedans une profondeur et un mystère qui faisaient écho à ma misérable vie d’ado, et Joy Division n’a pas tardé à devenir mon groupe préféré de tous les temps.
Ce n’était pas facile de vivre dans une banlieue américaine ennuyeuse à la fin des années 70 quand on était un nerd fan de musique bizarre, mais le fait d’être fan de Joy Division m’a donné l’impression de faire partie de quelque chose d’important. C’est le genre de sentiment que seul un ado peut éprouver. Je suis vraiment incroyablement heureux d’avoir vécu cette expérience.
Transmission de Joy Division est sorti le 24 août 1981 sur Factory Records.
Mike Schulman a fondé le label Slumberland Records en 1989. Originellement basé à Washington D.C. et désormais installé à Oakland en Californie, Slumberland a accueilli pléthore de groupes essentiels d’indie pop comme Henry’s Dress, Rocketship, Stereolab ou encore 14 Iced Bears. Mike Schulman a aussi été guitariste de Black Tambourine, groupe emblématique de la scène indie pop bruitiste américaine du début des années 1990.
Merci à Baptiste Fick d’avoir contacté Mike Schulman et d’avoir traduit l’interview.
BONUS : la VO !
It wasn’t easy living in boring suburban USA in the late 70s as a nerdy kid into all this weird music, but being a Joy Division fan somehow made me feel like a part of something important in the way that only teenage fandom can make you feel, and I’m awfully glad that I had that experience.
I was pretty lucky to grow up in a house with some very cool music, so even before I was a teenager I listened a lot to soul/R&B radio and my mom’s record collection (current stuff like Parliament/Funkadelic, Ohio Players, Philly soul, James Brown, etc) and my dad’s 45s from when he was a teen (doo-wop, 50s vocal group R&B). When I first started buying my own records they were in that vein, plus a lucky encounter with Kraftwerk’s Trans-Europe Express thanks to them playing it in full on Washington, DC’s biggest R&B station. I didn’t actually listen to very much rock music and found 70s rock to be really boring, except for some big records by The Raspberries, Badfinger and David Bowie.
I moved across Maryland to a new city when I was 12 and naturally one of the first things I did was start scanning the radio dial for a new station to listen to. I stopped spinning the dial when I heard The Undertones’ Teenage Kicks and that caught my ear right away. I don’t remember exactly what they played right after, but I locked onto that station (WHFS, for me a totally legendary station) and over the coming weeks heard all that you might expect: Ramones, The Jam, The Clash, Buzzcocks mixed in with more commercial new wave records, Stiff Records stuff, Rough Trade, Fast, Factory, 2Tone and more. I started seeking out more info about these bands and found the NME and Melody Maker, plus an incredible magazine out of NYC called New York Rocker.
So while I was a little too young to experience punk the first time, I was pretty set for some really amazing and life-changing records. But one that really stands out that rather saved me when I was feeling like a misfit or shitty or lonely was Joy Division’s Transmission. I remember hearing it on the radio and the DJ talking about it being a new single by an interesting new band, but I could from the first notes that this was something special! I had heard post-punk/DIY sort of records but this wasn’t at all homemade or ramshackle. It had the intensity and energy that I liked about punk but was obviously aiming for something different. It’s still an absolutely thrilling record and at the time it really paved the way for me to indulge in my moodier (dare I say goth?) side. It felt deep and mysterious in a way that resonated with miserable teenage me and I 100% latched-on to Joy Division as my absolute favorite band.
It wasn’t easy living in boring suburban USA in the late 70s as a nerdy kid into all this weird music, but being a Joy Division fan somehow made me feel like a part of something important in the way that only teenage fandom can make you feel, and I’m awfully glad that I had that experience.