1993, j’ai 13 ans et je m’ennuie fortement dans ma chambre d’ado à Boulogne Billancourt. Je n’ai pas de grande sœur ou de cousin cool pour m’initier à une sub culture dont seuls les ados auraient les codes; certains camarades de classe arborent des patchs d’Iron Maiden et Sepultura sur le dos de leur vestes en jean sans que ça me suscite une quelconque curiosité. Je tourne en rond entre mes quatre murs tapissés, j’ai bien quelques cd qui traînent (Michael Jackson, Guns N’ Roses…) mais sans que ça développe quoi que ce soit de viscéral chez moi. Un jour, au hasard d’une émission de radio, je découvre Lithium de Nirvana. Dès lors, c’est une révélation : c’est MA musique, je m’identifie intégralement à ce morceau. Point génial, mes parents détestent ; mon père qui n’écoute que Wagner et Beethoven décrète que c’est de la « musique de sauvages » et ma mère ne comprend pas les jeans déchirés de Kurt Cobain.
Ce morceau écouté en boucle sur mon baladeur c’est la bande-son de mes 13 ans : ces après-midis de spleen à dessiner dans les marges de mes cahiers de cours, à écrire des noms de groupes au Tipp-Ex sur mon sac US Navy, à regarder MTV chez mes grands-parents, à supplier ma mère de m’acheter des Dr. Martens à dix trous et à piocher dans la garde-robe paternelle pour parfaire mon accoutrement typique d’ado des 90’s.
Dès lors, les murs de ma chambre se couvrent d’affiches de groupes aux cheveux gras ; je compulse religieusement les magazines qui s’y réfèrent, je liste sur mes carnets des groupes essentiels à découvrir, j’élabore des mixtapes homemade que j’enregistre sur des cassettes vierges et que je revends sous le manteau dans la cour de mon collège (ce qui m’avait quand même valu trois heures de colle). Je me rappelle même avoir embarqué ma grand-mère au Virgin des Champs-Elysées pour m’offrir un recueil de photos de Charles Peterson sur la scène de Seattle.
J’avais enfin trouvé en Kurt Cobain ce grand-frère génial qui t’initie à plein de trucs cools : Sonic Youth, les Melvins, Beat Happening, Mudhoney, le mouvement riot grrl, la sub culture en général… Un vaste monde s’ouvrait à l’ado solitaire et mal dans sa peau que j’étais, comme un univers abyssal où chaque galaxie découverte amène vers d’autres cosmos parallèles.