Qui ?
Un duo formé de la franco-américaine Erica Ashleson (batterie et voix) et de Guillaume Siracusa (guitare et voix).
Où ?
C’est à Paris qu’Erica et Guillaume se sont rencontrés. Au sein de la scène indie pop qu’ils fréquentent, ils ont rapidement trouvé le soutien du label Buddy Records et de Nick Wheeldon, chargé de la programmation de La Pointe Lafayette, qui les ont aidés à organiser leurs premières dates. Auprès des jeunes pousses de la capitale, ils ont fait leurs débuts : « On a joué plusieurs fois avec EggS, notamment à leur release party à l’Omadis. On a aussi participé à celle d’En Attendant Ana. »
Quoi ?
Si Guillaume est un guitariste affirmé et un habitué de la scène, qu’il foule depuis plus d’une dizaine d’années avec la formation noise rock Young Like Old Men, Erica s’est récemment attelée à l’apprentissage de la musique, avec une détermination payante : en quelques mois, nous l’avons découverte batteuse, puis claviériste avec la bande de Deaf Parade. Elle devrait nous surprendre une fois de plus bientôt, un nouvel instrument en mains. Le croisement fortuit de deux parcours éloignés qu’Erica nous raconte : « J’ai rencontré Guillaume au moment où je voulais apprendre la batterie. Le studio de Young Like Old Men à Montreuil était disponible, alors je leur ai demandé si je pouvais y aller pour m’entraîner. Guillaume m’a accompagnée à la guitare et on a commencé à apprendre des petits morceaux. » « C’est sans doute ce qui a lancé le groupe », ajoute Guillaume. « J’avais une batterie, du temps, le studio était libre, c’était l’été… A la base, elle était juste venue pour jouer de la batterie, mais comme j’avais branché ma guitare, j’ai lancé un riff. Je crois que notre premier morceau est né ce jour-là, en juin 2017, et c’est un morceau que l’on joue toujours, Wonder Why. Erica l’avait enregistré puis un jour, des mois plus tard, elle l’a ressorti et on s’est dit qu’il fallait qu’on en fasse quelque chose. On a commencé à répéter et à imaginer un groupe à l’automne 2017. »
Erica avoue avoir appréhendé, au début, ce décalage entre son expérience de musicienne encore débutante, et celle de Guillaume : « J’essaie toujours d’imaginer ce que Guillaume peut penser quand on joue car il sait que je débute à la batterie. Je me demande s’il n’a pas peur de ce qu’il va se passer parce que moi, je ne sais jamais vraiment ce qu’il va se passer [rires]. Au début il m’est arrivé de faire tomber mes baguettes, de manquer des coups sur la batterie, de mal compter… C’était la même sensation que de sauter d’un avion et de ne pas être tout à fait sûre que le parachute va s’ouvrir. Au final, ça s’est toujours bien passé, enfin rien de catastrophique, et aujourd’hui je sens vraiment la différence : je me sens à l’aise, je prends plus de plaisir à jouer, j’ai envie et hâte de faire des concerts. »
Dernière sortie
La première sortie du duo, un EP de 5 titres sobrement intitulé Special Friend, sera disponible en vinyle le 27 septembre. Pas moins de quatre labels se sont associés pour que ce disque voit le jour : Howlin Banana, Hidden Bay (une première pour les toulousaines spécialisées dans le format cassette), Buddy Records et Gravity Music. Pour Erica et Guillaume, cette co-production présente beaucoup d’avantages : financiers d’abord, puisque le pressage a un coût, mais également en termes de visibilité. C’est ce que suppose Erica en évoquant les retombées presses obtenues au moment de la sortie des singles : « C’est génial que des médias comme Rock&Folk ou Libération relayent nos morceaux, mais je pense que c’est en partie dû à ce réseau de labels qui nous entoure. Ils nous légitiment. » Avec une maquette tout juste enregistrée, pas encore mixée, le duo approche les labels et capte leur attention : « On a enregistré l’EP tous les deux, de manière très simple. Il a un vrai côté démo, ce qui rend d’autant plus surprenant et cool le fait que tous ces labels aient accroché. » C’est dans leur studio de répétition et à la maison, avec un matériel plutôt basique, que les deux amis ont enregistré les instruments puis les voix. « Il n’y a pas d’overdub à part les voix et un clavier sur Wonder Why, tellement faible que personne ne l’entend. Pas d’ajout de seconde guitare ; rien. C’est brut. Les méthodes d’enregistrement aussi : on mettait les effets directement à la prise. Concernant les voix, il y a un petit delay dessus mais c’est tout. », explique Guillaume, qui s’est également chargé du mixage. L’Australien Mikey Young, membre des géniaux Eddy Current Suppression Ring et Total Control, reconnu pour ses travaux de mastering, a ensuite pris le relai. Un disque fait-maison, jusqu’à la pochette, réalisée par Erica : « Je connais des artistes qui auraient pu s’en charger, mais un côté de moi avait envie de le faire. J’ai beaucoup expérimenté et suis finalement arrivée à cette illustration que j’ai trouvée jolie. Guillaume a dit que c’était d’ailleurs peut-être trop joli pour la musique qu’on fait [rires]… »
Tube absolu
Le mélancolique Before, premier single de l’EP, se révèle comme une évidence. Son instrumentation dépouillée et ses voix légèrement traînantes résonnent instantanément comme une ritournelle obsédante.
Erica : « J’ai eu cette idée de clip et j’ai demandé à une amie qui fait de la photo de nous aider à le filmer. Je l’ai ensuite monté. On s’est promenés en banlieue parisienne sans idée précise ; on cherchait juste des endroits atypiques qu’on n’a pas l’habitude de voir. Il y a aussi des scènes qui se passent à Montreuil car c’est là qu’habite Guillaume. »
Réfutant les comparaisons répétées avec Beach Fossils ou Real Estate parues à la sortie de Before, Guillaume avoue être perplexe sur la question des influences : « Ma plus grosse influence, que ce soit avec Special Friend ou en général, c’est Yo La Tengo. Mais il y a d’autres choses dans ce groupe… Je sais qu’il y a des musiciens qui identifient des influences au départ puis cherchent à s’en approcher, mais moi je fonctionne différemment : je laisse les choses venir au hasard et quand ça me plait, j’y vais. Avec Special Friend on fonctionne comme ça. On se rend compte après coup que ça ressemble un peu à Electrelane par exemple, alors qu’on n’y avait jamais pensé. Au début on voulait faire un truc très lo-fi, et j’avais aussi l’idée de partir dans une direction un peu weirdo parce que j’étais dans ma phase Deerhoof, mais on ne sonne comme rien de tout ça, ce qu’on fait est plus pop et en fait c’est très bien. »
Du point de vue d’Erica, Before est un morceau particulièrement représentatif des intentions musicales du duo. Il est aussi celui dont elle apprécie le plus les paroles. Guillaume acquiesce : « J’avais composé Before avant d’arriver en répète. Je n’avais pas de paroles, seulement quelques mots, comme souvent. En reprenant ces mots, Erica a écrit un texte très proche de ce que je ressentais en jouant. C’était comme de la télépathie. » D’origine américaine, Erica se charge le plus souvent de l’écriture des paroles, qu’ils ont tous deux toujours imaginées en anglais. Elle décèle d’ailleurs dans ses textes des thèmes récurrents : « Je me suis rendue compte que toutes les chansons parlaient soit du fait d’être en doute, soit du fait d’être en mouvement. Le mouvement dans le temps par exemple. Peut-être est-ce dû au sentiment de vieillir ? » Guillaume, l’air pensif, déclare : « Ça, ça nous rapproche vachement. On n’en a jamais parlé tous les deux, mais j’ai quand même écrit plusieurs textes avec Young Like Old Men, et ce sont aussi chez moi des sujets qui reviennent : le doute, l’immobilité et le mouvement. Je crois que ce qui marche bien, c’est que je me reconnais dans les textes qu’écrit Erica. »
Futur conditionnel
Actuellement en mini-tournée dans le nord de la France, Special Friend reprendra les routes de France à la fin du mois d’octobre. En attendant, les parisiens ont rendez-vous à l’Espace B samedi 5 octobre pour une release party très attendue à l’Espace B. Erica lance enfin aux indécis : « C’est important de venir nous voir sur scène, on joue des morceaux qui ne sont pas sur l’EP. On a envie de sortir un album mais ça viendra plus tard ; il nous manque encore quelques morceaux. » Vous êtes prévenus !
Une réflexion sur « Sous Surveillance : Special Friend »