Pour Emma.
La lettre que l’on n’attendait plus, le message sorti de l’oubli – la bouteille à la mer. Il y a quelques jours, je relisais ce témoignage bouleversant, Lettres à sa fille de Calamity Jane. Vie d’aventures où cette cavalière, cette « reine des plaines », écrivit entre quelques affrontements avec la justice, vingt-cinq lettres à sa fille. Une descendance qu’elle confia, très tôt, à un couple : Jim et Helen O’Neil. Janey, l’abandonnée, ignora tout de sa mère jusqu’à ses trente-ans. Calamity précise d’emblée : « Il est possible que mes lettres ne te parviennent jamais. »
Quelle surprise, quelle immensité émotionnelle pour Janey de lire les mots d’une mère fantôme, lui décrivant ses colères et ses libertés. On notera les recettes de cuisine, cette ultime transmission, que Calamity a patiemment conservé pour sa fille. Flux et reflux de ces mots jetés à la mer que l’on souhaite lisibles nul part et qui sont dédiés à une seule personne. Voilà la recherche d’une harmonie dans un paradoxe… c’est, sans doute, ce qu’avait poussé Robert Smith a intituler Disintegration son disque le plus serein. Romain Rolland fut le premier à parler de sentiment océanique, cette impression de symbiose avec le monde. Disintegration approche de la plénitude avec ses saturations marines, son ressac mélodique sublime où les couleurs nuancent les plus grandes obscurités. Toute l’histoire de la musique est marquée par la puissance de la métaphore océanique. Robert Smith a été un lecteur attentif de Lautréamont, poète qui nommait l’immensité salée ainsi : « Vieil océan, ô grand célibataire ». Alors oui, le grand célibataire fut troussé par un nombre considérable de musiciens. Lou Reed et le Velvet, le temps d’un Ocean granulé de calmes et d’orages. Splendide. Ou encore la brume marine merveilleuse de Richard Hawley et son The Ocean. Et puis ce peut-être plus… un album, par exemple, avec Ocean Rain, ce serpent d’eau sonore dressé par Echo and the Bunnymen. La liste est longue.
Tout comme dans le film de Wes Anderson, La Vie Aquatique, la quête menant vers cet immense miroir d’eau a des tonalités tragiques. Océan d’un vieux fond de tristesse comme chez Dennis Wilson. Pacific Ocean Blue est d’une harmonie fragile, disque menacé de drames et pourtant lumineux. Fascinante obsession qui est pourtant menacée. En librairie, deux livres essentiels sur le sujet viennent de sortir. Océan Plastique de Nelly Pons et Urgence ! Si l’Océan meurt nous mourrons de Paul Watson. Ces ouvrages racontent le carnage, le massacre organisé du monde du silence. Ils n’oublient pas, pour autant, d’être pédagogiques. La musique a besoin de cet univers d’eau, fragile et mystérieux. Thomas Howard le sait, il est un promeneur attentif, amoureux des grand rivages et des hautes vagues. Son projet Orchid Mantis vient de sortir une belle chanson portée par les grandes marées, Light Beyond (Right Now). L’océan, heureusement, continue de nous éloigner de nos tristes réalités.
En lien, si possible un complément dessiné, plasticienne, j’ai sur la table à dessin une série sur la pollution des océans intitulé « Panta rhei » réalisée à partir de photographies de particules de plastiques trouvées sur des plages et des rivières aux quatre coins du monde !
Prenez le temps de découvrir ces dessins ⬇️
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