Selectorama Livres : JB Hanak

JB Hanak
JB Hanak

Il fut un temps où Jean-Baptiste Hanak n’avait pas franchement volé son surnom de mec le plus drôle d’internet. Autant d’inconscience affirmée (et c’est parfois encore le cas, son compte twitter est particulièrement finaud) et de réactivité sur des sujets proactifs dont même lui se fout éperdument ne peuvent faire obstacle au fait que la vie est passée par là et que, mine de rien, diverses saloperies dont une belle, la perte de son grand frère Fred Hanak, avec qui il menait une guerre souterraine sous le nom de dDamage, lui ont sûrement imposé, sinon, une sagesse, parfois une pudeur et l’envie de retracer leurs aventures hautement improbables. Pratiquant l’animal depuis plusieurs décennies, je peux dire que cet humain (après tout) est à la fois autant hypersensible qu’épuisant. Mais une vraie considération nous préoccupant au-delà d’une haute fanitude pour le groupe grunge originel Mudhoney (dont il a finalement réalisé une pochette, eh ouais, la classe, un peu) et après plusieurs rendez-vous avortés (à propos de son disque avec Pierre Richard, de sa BO pour l’ultime prestation de Brigitte Lahaie, et surtout pour cette pizza que tu m’as promise à la suite d’un pari perdu d’avance, et que tu me dois toujours, salopard de merde) j’ai décidé de prendre le trublion par les sentiments en changeant drastiquement de sujet. Ça tombait bien puisqu’il (en plus de tout le reste) vient de publier un livre intitulé Sales chiens chez Léo Scheer. Et ce livre, aussi court, nocif et nonobstant exaltant qu’une pointe de mauvais speed polonais au petit matin, se lit comme un témoignage effarant de quelques aventures vécues en tournée. C’est rapide, perturbant, épuisant et c’est un lien qu’il tisse avec celui qui est parti, c’est une scansion qui ne demande qu’à perdurer et dont on espère (lire) la suite. Sans jamais compter sur aucune forme de relâchement. Donc on sort des dix morceaux du Selectorama, et on passe aux dix livres qui font ce qu’il est. Et franchement, ça n’était pas le pire galop d’essai pour cette nouvelle rubrique. Prenez-en de la pointe de couteau au petit matin. Sous vos applaudissements. Et je rajoute que si vous n’avez jamais lu Donald Goines, je vous plains et je vous envie à la fois.

01. Didier Balducci, Toute une vie de labeur (Editions Mono-Tone)

L’autobiographie d’un type dont le but absolu est de ne jamais travailler. Du chômage au RMI, du RMI au RSA, des conseillers pôle emploi aux assistants sociaux, jusqu’au but avoué dès les premières pages : le minimum vieillesse. Ce livre est un mode d’emploi tout ce qu’il y a de plus sérieux pour ne rien foutre de sa vie, mais attention : ça demande énormément de travail. Didier Balducci est le guitariste des Dum Dum Boys, accessoirement c’est un écrivain qui déboite.

02. Anonyme, La Disparition de Freeze Corleone (téléchargement libre)

Ouvrage anonyme. Cette nana a écrit un roman dans lequel on voit progressivement évoluer la maladie de sa mère mourant d’un cancer et l’arrivée de la Drill, du 667 et de Freeze Corleone dans sa vie. C’est foutrement bien écrit, très noir, parfois assez dérangeant. Polytoxicomanie, rap, braquage, voiture qui brule et en bonus un caméo très appréciable du Roi Heenok. Ça se lit super vite et ça colle aux baskets pendant des jours après l’avoir terminé.

03. Ingrid Astier, Petit éloge de la nuit (Folio)

Il s’agit du livre que j’ai mis en musique pour l’album de Pierre Richard. Initialement, Ingrid Astier est romancière spécialisée dans le Polar. Ici elle a fait une exception dans sa bibliographie, pour écrire ce court livre de poésie en prose. Il s’agit d’un abécédaire tendant à décrire la nuit sous de multiples facettes.

04. Banana Yoshimoto, Kitchen (Diogènes)

J’ai envie de prendre chaque phrase de ce livre pour l’imprimer et la faire encadrer. Tout est d’une préciosité extraordinaire dans ce livre. Il y a un truc japonais indescriptible et absolument fascinant, une sorte de sensibilité totalement à fleur de peau qui accepte ses contradictions. Une femme orpheline tombe amoureuse d’une cuisine (oui, la pièce, dans une maison). Son propriétaire lui propose une collocation partagée avec sa mère transexuelle.

05. Virginie Despentes, Baise-moi (Poche Revolver)

J’ai rencontré Virginie Despentes et Coralie Trinh Thi lorsque j’avais 22 ans, j’étais avec mon pote Yann Gonzalez et nous réalisions une interview à l’occasion de la sortie du film Baise-Moi. J’avais lu le livre quelques années avant, presque par hasard, simplement parce qu’un pote m’avait dit : « T’as lu ce bouquin où la meuf fait des citations de Mudhoney ? » Mudhoney a toujours été mon groupe de rock préféré. Bref, j’ai lu le bouquin je me suis pris une gifle. J’ai vu le film je me suis pris une gifle. J’ai rencontré la nana je me suis pris une gifle. J’ai relu le bouquin et je me suis encore pris une gifle.

06. Stefan Zweig, Le Joueur d’échecs (Flammarion)

J’ai tellement lu ce livre que je ne sais plus quoi en penser. J’ai tellement lu ce livre que je ne sais plus quoi dire dessus. J’ai tellement lu ce livre que je dois le relire. Ça parle d’échecs.

07. Donald Goines, Enfant de putain (Série Noire Gallimard)

Donald Goines a écrit seize romans en cinq ans. Puis il s’est fait plomber la cervelle en compagnie de son épouse sur le parking d’une discothèque. Les deux sont probablement morts suite à un deal d’héro qui aurait mal tourné. Mais ça n’a jamais été vérifié. Enfant de Putain raconte le quotidien d’un proxénète américain. Je prends ce livre au hasard, mais tout ce que j’ai lu de ce mec est brutal, rapide et ultra efficace. La Cavale de Kenyatta, Ne mourrez jamais seul, Daddy Cool, L’Accroc, Justice blanche, misère noire, Vendeurs de mort : tout ce qu’a écrit Goines est absolument indispensable.

08. Yasushi Inoué, Le Faussaire (Stock)

J’ai toujours vu la sacralisation de l’artiste sous un mauvais œil. Ici, tout est absolument démystifié. Ce n’est pas l’élève qui dépasse le maître, mais le faussaire qui vampirise le génie de celui qu’il copie. Il s’agit de peinture. Mais au-delà, c’est une immense leçon d’analyse des mécanismes de création artistique.

09. Kim Gordon, Girl in a Band (Le Mot Et Le Reste)

Meuf géniale. Groupe génial. Musique géniale. Autobiographie géniale. Depuis le début des années 90, Sonic Youth a eu une influence considérable sur ma carrière et Kim Gordon une influence considérable sur ma manière de penser.



10. Miguel de Cervantès, L’ingénieux Hidalgo Don Quichotte de la Manche (Points)

Tous les livres sont directement inspirés de ce livre.


Sales chiens par JB Hanak est paru chez Léo Scheer.

Laisser un commentaire

Votre adresse de messagerie ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *