Le nouvel album de Jonathan Fitoussi, Plein soleil, file la double métaphore de la luminosité et de la géographie imaginaire. Une manière de convoquer l’utopisme futuriste typique des débuts de la musique électronique : comme par exemple avec Amazonie ou encore Vents magnétiques, qui évoquent certaines figures mythiques comme celles de Morton Subotnik ou de Suzanne Ciani, en célébrant cet art subtil de la synthèse modulaire analogique et ce qu’elle peut porter comme visions d’avenir fantasmatiques. Et pour le coup, l’album de Jonathan Fitoussi place la barre très haut. Sa force d’évocation révèle un musicien en pleine possession de ses moyens. L’utilisation d’un matériel renvoyant à un moment précis de l’histoire des musiques électroniques (Buchla, EMS Synthi, Cristal Baschet) permet ici de perturber subtilement ce qui fait office au premier abord de terrains connus. Car c’est tout le talent de Jonathan Fitoussi que de se réapproprier plusieurs traditions (de la musique électro-acoustique à l’ambient, en passant par le minimalisme ou le psyché-kraut) pour en reconfigurer les caractéristiques au sein d’un syncrétisme novateur. Et à ce titre, Plein soleil s’impose comme l’un de ses meilleurs disques, et tout simplement l’un des meilleurs du moment.
L’occasion aussi d’inaugurer une nouvelle série, Obliques, pour son excellent label Transversales Disques (qu’il co-dirige avec Sébastien Rosat), une série consacrée aux travaux contemporains au sein d’un catalogue initialement spécialisé dans la réédition d’enregistrements rares et inédits.
Quoi de plus logique alors que de le solliciter pour un séléctorama, nous dressant un panorama érudit de ses influences : minimalisme répétitif, no wave, ambient, early electronic…autant de genres que nous pouvons retrouver dans ce disque qui, répétons-le, constitue l’un des points hauts de cette rentrée.
01. Peter Michael Hamel, Let it play (1987)
J’apprécie énormément le travail de Peter Michael Hamel, un compositeur allemand que l’on peut rapprocher du courant minimaliste. Une musique signée qui utilise une large palette d’instruments : orgue, synthétiseur, piano…
02. Mike Ratlege, Riddles of the Sphynx (2013)
C’est une superbe BO, qui m’accompagne souvent. Mike Ratlege, membre important de Soft Machine, signe ici de très belles séquences électroniques, accompagnées d’un orgue, pour un film expérimental très radical formellement. J’aime beaucoup !
03. Roberto Donnini, Tunedless (1980)
Un autre titre qui m’accompagne souvent. Tunedless de Roberto Donnini, un représentant de l’avant-garde électronique ambient et minimaliste italienne. Un titre magnifique, répétitif et fragile.
04. Suzanne Ciani, Lixiviation (réed. 2012)
J’ai la chance de bien connaître Suzanne, et de travailler avec elle. C’est une expérience très enrichissante, son travail pionnier avec les synthétiseurs modulaires a été très important pour moi. Cette pièce pour Buchla (synthétiseur analogique modulaire mythique) en est un exemple magnifique.
05. Dickie Landry, Fifteen Saxophones (1977)
J’ai découvert Dickie Landry en déchiffrant avec passion les pochettes et livrets de disques, en l’occurrence ici en examinant les musiciens crédités sur les enregistrements de Phil Glass – Dickie Landrie était un membre fondateur du fameux Philip Glass Ensemble. Et cet album solo, Fifteen Saxophones, est un parfait reflet de son travail autour du minimalisme. L’enregistrement date du milieu des années 1970.
06. Glenn Branca, Lesson N°1 (1980)
Le rock a toujours été important dans mon parcours. Mon approche musicale me semble très marquée par cette musique. Ici, j’ai choisi un titre de Glenn Branca, figure mythique de la No Wave new-yorkaise. Un rock minimaliste, brut et répétitif. J’apprécie particulièrement cette construction d’un mur de son électrique !
07. Laurie Spiegel, Drums (2001)
Quand j’écoute ce morceau de Laurie Spiegel, je pense à une sorte de version électronique du Drumming de Steve Reich. Une pièce pour synthétiseur et delay qui est toujours une référence pour moi !
08. Bernard Parmegiani, Versailles, Peut-être (1977)
Il s’agit de la musique du film Versailles, Peut-être, composée en 1977 avec un EMS synthi A. J’ai eu la chance de rencontrer Bernard Parmegiani à plusieurs reprises au début des années 2000, et de pouvoir travailler sur l’ensemble de son catalogue en lien avec le GRM et sa femme. Son œuvre m’a influencé quelque part, sans aucun doute. Elle constitue l’un des sommets de la musique électro-acoustique, aux côtés de celles de Pierre Henry, de François Bayle ou de Luc Ferrari. Cette rareté est paru sur notre label Transversales Disques (Mémoire magnétique 1966-1990).
09. Laurie Anderson, Kokoku (1984)
J’écoute très souvent chez moi la musique de Laurie Anderson. J’aime sa voie parlée apaisante. Les sonorités sur ce morceau sont très exotiques, organiques et vivantes. Jaime ces matières sonores « vivantes » que je tente parfois de recréer avec mes synthétiseurs.