Il n’y en a pas beaucoup. Peut-être n’y a-t-il que lui. Des artistes français capables de chanter : Rock’n’Roll sur un refrain – celui d’Enfant Terrible, le premier morceau de son nouvel album – sans susciter ni cette gêne incrédule ni ce malaise décalé qui accompagnent les tentatives pataudes pour s’approprier les reliques d’une forme lointaine et disparue. Dans les accents élégants de cette voix – de plus en plus grave, de plus en plus belle – on ne discerne aucune prétention vaine à ressusciter ce qui n’est plus. Simplement à faire vibrer, une fois encore, cette nostalgie sereine qui imprègne depuis longtemps l’œuvre essentielle de Johan Asherton. Au fil des chansons de Matinee Idols – ces jeunes premiers dont il est aisé de comprendre qu’ils ne sont plus jeunes et qu’ils ont dû renoncer à leurs fantasmes de glamour hollywoodien il y a bien longtemps – on croise quelques références familières aux figures qui ont toujours peuplé le Panthéon personnel d’un songwriter passionné et érudit : Ayers, Dylan, Ferry et d’autres encore. Pourtant, c’est une sélection de ses engouements plus anciens et plus enfouis dont il s’agit aujourd’hui. Selon ses propres termes, il a choisi « de profiter de cette opportunité pour livrer quelques impressions et souvenirs d’enfance autour de cette dizaine de chansons, celles que j’écoutais avant de partir à la conquête des Stones, Hendrix, Dylan, T. Rex et autres Lou Reed, Nick Drake, Cohen…. »
01. The Flowerpot Men, Let’s Go To San Francisco
Un jour, au Jardin d’Acclimatation où j’ai passé une bonne partie de mon enfance, j’ai entendu un petit copain de jeu fredonner cet inoubliable refrain. J’ai mis des années avant de découvrir de qui il s’agissait. Pastiche magnifique des Beach Boys, mélodie, harmonies et arrangements formidables.
02. David McWilliams, Days Of Pearly Spencer
Il venait du folk et des coffeehouses, et cette chanson était partout à l’époque. Je me souviens qu’on l’entendait dans une pub pour une marque de jus de raisin ! La fameuse boucle de cordes en arpèges et la voix « téléphone » m’ont fait une énorme impression, sans parler de la merveilleuse ligne de basse.
03. Herman’s Hermits, No Milk Today
Une chanson qui m’a hanté toute ma vie. Graham Gouldman était un merveilleux songwriter. Mélodie, texte mystérieux, arrangements des chœurs et cordes, les cloches tubulaires sur les refrains… Une splendeur ! Dans le même panier, je mettrais aussi My Year Is A Day, des Irrésistibles, le fameux premier groupe de William Sheller… J’adorais cette chanson ! Plus british, c’est difficile, et pourtant… Je pense qu’elle m’a bien préparé à tout ce que j’allais découvrir par la suite.
04. Shirley Bassey, Goldfinger
Voilà, pour moi, une chanson exceptionnelle ! Voix, mélodie, texte, orchestration… John Barry était un compositeur fabuleux. La plupart des chansons génériques des films de James Bond sont grandioses, mais alors celle-là… J’adorais You Only Live Twice par Nancy Sinatra, Thunderball par Tom Jones, jusqu’à A View To A Kill par Duran Duran, et d’autres chantées par Scott Walker, k.d. lang… Et, bien sûr, le célébrissime thème de guitare joué par Vic Flick m’a marqué à vie !
05. Dusty Springfield, I Only Want To Be With You
Un chef d’œuvre. Je suis fan total de Dusty, et cette chanson m’a accompagné toute ma vie. Mélodie, arrangements, le tempo étourdissant, et cette voix magnifique. La version française, de Richard Anthony me semble-t-il, passait beaucoup à l’époque. Pendant les vacances scolaires, j’étais parfois admis dans certaines boums malgré mon jeune âge, et voilà le genre de chansons qui tournaient sur les bons vieux Teppaz d’antan…
06. Duane Eddy, Peter Gunn
Ma grande sœur a eu une grande influence sur moi. Elle était une vraie rebelle, une teenager de son temps, des sixties. Nos parents l’avaient d’ailleurs, comment dire, « éloignée » quelques temps en pension pour jeunes filles ! De sa chambre, quand elle était à la maison, s’échappaient des sons qui me faisaient tourner la tête, comme par exemple, la guitare de Duane Eddy, des EPs des Beatles, des trucs yé-yé en français, aussi.
07. Ennio Morricone, Once Upon A Time In The West
J’ai vu le film à sa sortie en salle. Je n’avais pas encore l’âge requis, mais comme j’avais déjà une voix assez basse et que j’étais plutôt grand, j’ai réussi à embobiner la caissière qui voulait voir ma carte d’identité. Je n’avais sur moi que ma carte de membre du fan club de James Bond, ça aurait peut-être marché… Bref, le film m’a époustouflé, et quant à la musique… A l’arrivé de la fameuse guitare fuzzy, dans le thème principal, j’ai cru devenir fou, et c’est quelque chose que j’ai régulièrement placé dans mes albums. Morricone était un compositeur et arrangeur fabuleux. Sur mon nouvel album, la chanson Small Talk lui vole quelques plans harmoniques.
08. Michel Polnareff , Tout Tout Pour Ma Chérie
A mon avis, un des rares exemples de pop française vraiment réussis de cette période. Mélodie, arrangements, production très fine, un bijou !
09. Serge Gainsbourg, Initials BB
Je n’écoutais presque rien en matière de chanson française, mais Gainsbourg m’impressionnait beaucoup. J’ai toujours trouvé cette chanson fabuleuse. J’ai compris plus tard qu’il avait largement pompé la Symphonie du Nouveau Monde, de Dvorak, et en regardant le texte de plus près, j’ai vu qu’il mentionnait L’Amour monstre de Louis Pauwels, que j’ai fini par lire deux fois. On peut voir sur YouTube un petit documentaire sur le making of de cette chanson en studio à Londres, avec Arthur Greenslade, c’est assez génial.
10. The Beatles, Michelle
Et voilà… A partir de quelques EPs des Beatles, dont celui extrait de l’album Rubber Soul, s’est ouvert pour moi le chemin de la pop et du rock anglo-américain, à partir de 1968 – 1969. La suite, c’est une autre histoire !