Selectorama : Adrien Kanter

Adrien Kanter / Photo : Alexis Machete
Adrien Kanter / Photo : Alexis Machete

Il en est des musiciens qui arrivent à construire une bulle d’élévation spirituelle autour de leurs œuvres. On sent qu’ils investissent dans leur façon de jouer, de composer, de produire plus qu’une simple envie de façade sociale ou de désir de succès. C’est le cas d’Adrien Kanter dont la musique de voyageur outsider semble rejoindre, par des méandres insaisissables, teutons planants, jazzmen libres ou guitaristes prog britannico-lysergiques. Dans ce rock spatial qu’il cultive dorénavant en accord avec la nature de sa Savoie d’accueil (où on le voit monter à cheval sur les superbes photos presse), on a envie de se perdre comme dans une cérémonie de révélation (on pense à un bol de peyotl dans un film perdu de Jodorowsky, ou au piment hallucinogène d’un épisode des Simpson) angoissante, parfois accueillante, parfois reposante, toujours remuante. Dans cet ensemble homogène quasiment instrumental, entre les incantations à on ne sait quel divinité, on se voit obligés de construire nos propres repères et de suivre l’avancée du disque « comme une marche en montagne » extatique, exigeante physiquement, mentalement toujours surprenante. De toute façon, nous, dès qu’on entend du saxophone qui serpente dans de la reverb, on est charmé. C’est l’âge. En attendant de récupérer de ce trip inattendu, Section 26 a demandé à Cowboy Kanter ce qui le nourrissait en ce moment.

01. Booker Little, Man Of Words

Ce morceau m’a tout de suite sauté aux tripes. Trompettiste mort à 23 ans, ami de Max Roach, qui a notamment participé aux sessions de Coltrane. Ce morceau est encore totalement contemporain, avec cette boucle mélodique quasiment hip hop et un solo de trompette super fragile.

02. Mobb Deep, Shook Ones, Pt. II  



Je n’ai pas grandi en écoutant du rap. J’aimais les tubes à la radio, mais rien ne m’avait profondément touché. Depuis quelques années, le fait que je côtoie énormément de danseurs et de danseuses hip hop dans mon travail m’a fait écouter cette musique différemment. Ce morceau est un grand classique, mais ça a vraiment été une prise de conscience de la puissance narrative et émotionnelle que le hip hop peut avoir. C’est en en comprenant le fond que j’ai compris.

03. Bheki Mseleku, Echoes Of The Winds Of Truth

J’ai découvert ce morceau dans un spectacle de danse Pantsula. Il respire, il est émotionnel, il est spontané. En plus, ce musicien est un multi-instrumentiste autodidacte. Tout ce que je cherche. Anecdote : Alice Coltrane lui a donné un bec de saxophone de son mari, celui qui avait servi à l’enregistrement d’A Love Supreme.

04. Thomas Bangalter, Sangria

Grand fan de Gaspard Noé, j’ai découvert ce morceau en regardant Climax. Grosse grosse claque, et cette musique est à un des moments les plus forts du film. J’ai beaucoup été inspiré par ces strings mélodiques répétitives, associées à ce crescendo noise au premier plan, en mode space drum. Ma musique est souvent construite sur ce contraste de sensations, douceur/dureté. J’ai par ailleurs eu la chance de collaborer avec Thomas Bangalter cet été, sur un spectacle de danse à l’Opéra Garnier, et on a pu échanger sur ce morceau.

05. Fred again, Leave me alone

Pendant la finalisation de mon disque, j’ai été obsédé par Fred Again et la scène « électronique emo de Londres », le nom que je lu ai donné, avec notamment Overmono  ou Bicep. J’aime ce coté simple d’apparence, mais avec beaucoup de recherche de sons, qui vise le fait de danser les yeux fermés, introspectif. Il était le protégé de Brian Eno en étant adolescent et commence toutes ses compositions  par un drone. Il y a un épisode du podcast Tape Notes où Fred explique son process créatif, et c’est très inspirant. Maintenant ça devient une superstar et sa musique me touche moins, mais cette époque était folle.

06. Kali Malone, All life long

J’aime les morceaux qui te plongent dans la rêverie et te coupe de la réalité en cinq secondes. Celui-là en est un très bon exemple.

07. John Fahey, Poor boy


Un de mes pères musicaux, au même titre que Neil Young ou John Coltrane. Ce morceau est fou, avec ce début avorté parce que son chien aboie. Et il le calme de la plus douce des façons. Tellement émouvant, au niveau du moment présent de l’enregistrement et de son rapport à son plus fidèle compagnon (j’aime les chiens).

08. James Brown, Ain’t it funky now

J’ai entendu ce morceau pour la première fois en marchant dans les rues de Londres et ça a été une grosse leçon de musicalité. Il m’a appris comment chaque élément d’un groupe peut se mettre au service d’un morceau, faire un tapis en unité, laisser plein d’air, sans personne cherchant à se mettre au dessus des autres. Les musiciens sont tous incroyables, font chacun quasi la même partie pendant tout le morceau, sans modulation. Cela s’écoute presque comme de l’ambiant. Et James Brown en chef d’orchestre fou, qui donne la gouache et la structure.

09. DITZ, Clocks

Vu en concert l’année dernière et la forme m’a marqué : la musique ne s’arrête jamais, tantôt noise, tantôt post punk. Juste un gros magma d’énergie en tout genre, sans barrière. Le chanteur a un charisme singulier, qui emmène le public. On se sait jamais à quoi s’attendre et on voyage beaucoup en même temps. Sur disque, on retrouve l’énergie brute du groupe.

10. Kim Wilde, Keep Me Hanging On

Toujours beaucoup aimé Kim Wilde, les thèmes évoqués, les prods et sa voix. Le détail qui fait la différence dans ce titre, et que l’on retrouve souvent dans ses morceaux, ceux avec les solos de guitares un peu métal, avec du chorus et sous mixées, qui rajoutent de l’émotion pour ton inconscient. Je me suis inspiré de cette technique sur certains morceaux de Mont Falco.

11. Rhythm & Sound, King In My Empire

Entre l’ambiant, la techno et le dub, ce morceau m’a retourné. Tellement rempli d’air (souffle) et d’âme. L’espace et la chaleur qu’il y a dans ce morceau m’a beaucoup inspiré.


Mont Falco par Adrien Kanter est disponible chez Club Teckel.

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