Saint Etienne, le dernier disque du reste de leur vie

Saint Etienne, back in the days / Photo : Joe Dilworth
Saint Etienne, back in the days / Photo : Joe Dilworth

C’est toujours la même histoire depuis quelque temps déjà… Se souvenir de la première fois. De la première fois où l’on a découvert tel groupe, tel disque, telle chanson. Parfois, ledit souvenir est clair, limpide et ramène à un lieu, un jour tellement précis qu’on a l’impression de pouvoir revivre l’instant. Parfois, il a été comme effacé de la mémoire, sans raison particulièrement valable. Et sans doute encore moins valable lorsqu’il s’agit de Saint Etienne, tant c’est l’un des groupes qui a beaucoup compté dans ma vie professionnelle (les années Mushroom, les premières piges pour Rock & Folk, la naissance de la RPM) et la vie privée (nous y reviendrons – enfin, peut-être), tant il a accompagné la dernière décennie du XXe siècle presque au quotidien et les premières années du XXIe siècle sur un rythme presque identique.

Je ne me souviens pas de cette première fois ni d’ailleurs de la première chanson, mais je suis à peu près certain que le « passeur » porte le nom de Daniel Dauxerre – pour celles et ceux qui ne suivent pas, le premier épisode du podcast sur la french touch réalisé par le journaliste Matthieu Culleron pour France Inter vous en dira un peu plus à son sujet. Je ne me souviens pas mais je pense qu’à l’époque, les deux premiers maxis sont déjà parus, que le premier album Foxbase Alpha est déjà sorti – et je vais donc découvrir avec quelques mois de retard la voix familière de Jacques Vendroux, qui a accompagné tant de samedis soirs adolescents – à une époque, les matchs de football du championnat de France se jouaient tous le même soir à la même heure –, le visage d’Oswaldo Piazza, la mélodie douce-amère de Spring, la reprise parfaite du Only Love Can Break Your Heart de Neil Young, le sample taille XXL du I Can’t Wait Until I See My Baby’s Face de Dusty Springfield pour lancer le parfait Nothing Can Stop Us, également troisième single du « groupe » et le premier qui a compté sur la participation de Sarah Cracknell – elle ne quittera plus les deux têtes pensantes du projet, les amis d’enfance Bob Stanley et Pete Wiggs, dont le premier fait de gloire fut d’avoir grandi dans la même ville de banlieue que Kate Moss avant de s’imposer parmi les passeurs les plus décisifs de leur génération – mais le label Caff Corporation , avant même le début de Saint Etienne, avait déjà dévoilé en quelques références parfaites, la mélomanie galopante de ces deux-là et l’éclectisme de gouts qui n’avaient en commun que les émotions suscitées chez les auditeurs par des chansons souvent sur le fil – de Bitch Magnet à East Village, de Television Personalities à Pulp, de Galaxie 500 à World Of Twist.

Saint Etienne in the back of a taxi / Photo : Joe Dilworth
Saint Etienne in the back of a taxi / Photo : Joe Dilworth

En revanche, je me souviens très bien de la découverte du maxi Avenue lors de l’automne 1992 – l’automne du premier album de Denim, du coffret Felt chez Cherry Red, du Barely Real de Codeine, du Eva Luna de Moonshake, du You Turn Me On de Beat Happening, du Babies de Pulp, du …XYZ de Moose, du Milky Teeth de Tindersticks, pas exactement n’importe quel automne donc… Je m’en souviens très bien car Daniel et moi travaillions alors comme vendeurs chez le disquaire indépendant Danceteria, niché en plein cœur de Paris, à l’ombre du Panthéon. Comme je me souviens très bien de l’arrivée de So Tough, écouté très exactement la semaine de sa sortie, des Clarks portés par Sarah Cracknell enfant sur la pochette, des premiers mots du disque – “Cigarette, a cup of tea, a bun” –, des “ooooh / oooh / oooooh” de Mario’s Café, de la mélancolie joyeuse d’Avenue – remixée par les héros A.R. Kane, alors portés disparus depuis quelque temps, puis reprise quelques années plus tard par nos chouchous Violens –, du pastiche sixties You’re in a Bad Way, dont le clip façon scopitone réalisé par l’ex-East Village et futur guitariste scénique du groupe, Paul Kelly, annonçait déjà la saga Austin Powers et dont la mélodie mutine offrira au trio les vertiges du glamour… C’est avec ce disque, avec ces chansons, avec cette vision moderniste d’une Angleterre rétrofuturiste ouverte sur le monde que Saint Etienne est devenu l’un de mes groupes de chevet, un groupe qui à partir de cet instant précis m’a accompagné plus que de raison dans de nombreux moments de ma vie. C’est ainsi grâce à Bob Stanley que j’ai pu interviewer Lawrence pour Mushroom, pour la première fois dans les frimas de l’hiver londonien – une rencontre immortalisée dans le livre de Will Hodgkinson, Superstar De La Rue – Une Année Avec Lawrence, même si la mémoire de ce dernier lui joue des tours : c’est un samedi soir dans un restaurant italien de la capitale anglaise, et non à Paris, en compagnie donc de Pete Wiggs et Bob Stanley, qu’après avoir parlé du livre SEX de Madonna , de Duran Duran, des Osmonds, de Maurice Deebank et des rééditions de Felt, Lawrence a décidé d’avoir le béguin pour ma petite amie d’alors.

Sarah Cracknell sur la couv d'I-D #115 en avril 1993 / Photo : DR
Sarah Cracknell sur la couv d’I-D #115 en avril 1993 / Photo : DR

Ensuite, pêle-mêle et dans le désordre le plus classiquement absolu, il y a ma fille fascinée par la reprise de Who Do You Think You Are (elle l’écoute toujours avec plaisir plus de dix ans après) et par Sarah Cracknell – son tee-shirt Hysteric Glamour, son boa, ses cheveux blonds – sur la scène de Top Of The Pops, fascinée jusqu’à me demander de regarder plusieurs fois d’affilée la vidéo (et avec le recul, je me dis que c’est là qu’elle a décidé elle aussi que la musique occuperait une place importante dans sa vie) ; il y a le fameux soir du 18 mai 1994 dans les loges de l’Arapaho où après le concert, arrive presque timidement Étienne Daho (et Arnold Turboust) et que Sarah Cracknell me demande : “Il aimerait travailler avec nous, tu crois que c’est une bonne idée ?” ; il y a les voyages à Londres pour les interviews promos, le concert du Café de la Danse à l’automne 2002, la session DJ de Bob Stanley au Pop In, l’adaptation française de la chanson enregistrée en solo par Sarah Cracknell qui devient l’un des plus gros hits d’Étienne Daho (Ready Or Not métamorphosée en Le Premier Jour Du Reste De Ta Vie), les rendez-vous ratés (la Philarmonie de Paris, le 11 novembre 2019), la couve de la RPM sous la bannière Trans Europe Express avec Sarah, Daho et Ronald Lippok de To Rococo Rot, présent sur l’album Sound Of Water ; il y a tous ces disques bien sûr, ces morceaux qui auraient dû être des hits atemporels – Pale Movie, Heart Failed (In The Back Of A Taxi), Action, Tonight et bien sûr, Glad et Brand New Me sur le nouvel album –, les flirts avec les années 1960, les histoires d’amour avec la musique ambiant, les clins d’œil aux eighties, l’amour pour la techno et pour le folk, les chansons dont on est persuadé qu’elles ont été écrites pour nous, à l’instar de Over The Border sur Words And Music : “I was in love, and I knew he loved me because he made me a tape / I played it in my bedroom, I lived in my bedroom, all of us did / Reading Smash Hits and Record Mirror, Paul Morley and the NME / Dave McCulloch and Sounds, Modern Eon and Modern English, Mute, Why, Zoo, Factory / […] But I just wanted to listen to Dexys, New Order, anything on Postcard…”.

Saint Etienne, 2025 / Photo : DR
Saint Etienne, 2025 / Photo : DR

Il y a les reprises incroyables (au hasard Find Me A Boy de Françoise Hardy, parfaite), cette sainte (sic) horreur de se répéter, ce plaisir comme inassouvi d’emmener son public sur des rivages inconnus (les albums I’ve Been trying To Tell You ou The Night parmi les dernières productions), les disques réservés au fan-club, les collaborations avec les héros d’hier et d’aujourd’hui (Stephen Duffy, Maurice Deebank, Aphex Twin, Vince Clarke, feu Andy Weatherall, Confidence Man…) ; il y a le label Icerink et les disques d’oval, de Golden, de Shampoo, de Supermarket (Lawrence, encore), de Sensurround, la compilation CD We Are Icerink avec un morceau, oui, de Spring et le concert avec Earl Brutus à Londres ; il y a les découvertes des liens entre Sarah et Felt (l’album Forever Breathes The Lonely Word, la chanson She Lives By The Castle) ; il y a l’interview que Bob Stanley fera de The Magic Numbers pour la RPM encore un jour de printemps 2005… Il y a eu tout ça, donc, et d’autres petites choses dont on ne parlera pas. Il y a eu tout ça et on pensait que l’histoire ne s’arrêterait pas jusqu’à ce jour d’été 2025 où le groupe a annoncé que son nouvel album, International, précédé par l’un des tout meilleurs singles de son parcours – l’euphorisant Glad, avec les collaborations de Jez Williams de Doves et Tom Rowlands des Chemical Brothers (on dirait un sommaire de la RPM des années folles, vous ne trouvez pas ?!) –, serait son dernier… Alors oui, ça a fait un choc et c’est à ce moment précis qu’on a vu tous ces souvenirs défiler devant nos yeux ; c’est à ce moment-là qu’on s’est dit aussi qu’on tenterait bien une interview, même si on n’est plus du tout rompu à l’exercice. Sarah Cracknell s’est proposée, la veille de la sortie de cet album particulier, de répondre à ces questions. Des questions qui étaient sans doute un peu trop classiques et convenues. Mais qu’importe. Voilà le résultat.

Quels sentiments ressens-tu juste avant la sortie de cet album qui sera donc le dernier du groupe ?
Sarah Cracknell :
Comme pour les précédents, je suis plutôt impatiente. Mais contrairement à la plupart des autres disques, nous n’avons pas attendu trop longtemps avant d’arriver à cette délivrance car nous avons travaillé très vite… Ma famille l’aime bien, ce qui est plutôt bon signe je crois, mais il est toujours important de connaitre le verdict des fans. Pour le meilleur et pour le pire.

Ta famille aime les albums du groupe en général ?
Sarah Cracknell : Ma mère, oui, même si elle a eu du mal à se retrouver dans les derniers. Elle n’a pas osé me l’avouer mais je l’ai sentie un peu… désorientée, en particulier par I’ve Been Trying To Tell You. International est un disque qui lui convient bien mieux : les chansons pop qu’on peut fredonner, c’est nettement plus son style !

Tu dis que vous avez enregistré ce disque plutôt rapidement : vous aviez déjà pris la décision de mettre un terme à l’aventure de Saint Etienne quand vous avez commencé l’enregistrement, vous aviez peut-être même pris cette décision alors que vous enregistriez l’album précédent, The Night ?
Sarah Cracknell : C’est vers la fin de l’enregistrement de The Night qu’on a commencé à partager des idées de chansons pour un prochain album. Et je crois en effet que c’est aussi à ce moment-là que nous avons évoqué l’idée que le prochain disque pourrait être le dernier… Mais sans rien n’entériner. C’était une idée comme ça, comme on a pu avoir un tas d’idées à moment de notre histoire ! En tout cas, on s’est mis à sérieusement écrire des chansons à ce moment-là et on a pensé à retravailler à la production avec Tim Powell, qui nous avait déjà accompagnés pour Words And Music, et nous nous sommes retrouvés dans son studio en un claquement de doigts. Il a vraiment une vision pop de la composition, c’est ce vers quoi tendaient nos nouvelles compos, c’est ce dont nous avions envie. J’aime aussi la façon dont il enregistre les voix, il fait toujours très attention à la spontanéité, et pas forcément à la perfection. Il est de ceux qui comprennent qu’une première prise peut être la meilleure, même si techniquement, il te sait capable de mieux. Contrairement à ce qu’on pourrait croire, avec toutes les énormes productions qu’il a réalisées, il est avant tout intéressé par l’état d’esprit de la chanson…

C’est un album qui est marqué par le nombre de ses invités aussi : Vince Clarke, Nick Heyward, Confidence Man, Orbital, Tom Rowlands des Chemical Brothers, Jez Williams de Doves…
Sarah Cracknell : Et au fur et à mesure qu’on prenait conscience que ce serait notre dernier album studio, on a voulu que ce soit une fête, et on a donc multiplié les invititations en effet ! Mais à un moment, on a dû arrêter de lancer ces invitations car tout le monde répondait “présent”, on ne savait même plus où donner de la tête. On retrouve des gens qu’on connait bien, comme Tom ou Jez, des gens avec lesquels on avait déjà travaillé, à l’instar de Vince Clarke, qui avait signé un remix à l’époque de I’ve Been Trying To Tell You. C’est lui qui a tenu à travailler sur Two Lovers et je crois qu’on reconnait tout de suite sa patte, non ? Ce type est quand même une véritable légende ! Nous avons enregistré un deuxième morceau ensemble, mais il n’est finalement pas sur l’album… La présence de Nick Heyward, elle, relève un peu du hasard. Contrairement à ce que beaucoup de gens pensent, nous ne le connaissions pas du tout avant de travailler avec lui sur The Go Betweens. C’est Bob qui l’a rencontré à un événement littéraire, ils ont échangé quelques mots et il lui a avoué bien aimer Saint Etienne. Alors Bob n’a pas hésité une seule seconde et lui a proposé d’écrire une chanson avec nous. Tu imagines quand même, Nick Heyward, j’étais fan de lui quand j’étais gamine (Et l’annonce récente d’un nouvel album de… Haircut 100 risque de rallumer la flamme !, ndlr).

J’ai lu dans un journal anglais que l’enregistrement de The Last Time a été un moment très émouvant en studio : c’était le dernier morceau qu’il vous restait à boucler…
Sarah Cracknell : Ah oui… Je crois que notre décision d’arrêter est devenue concrète lorsque je me suis mise à chanter cette chanson. Je crois que j’ai compris à ce moment-là que je ne serais plus jamais dans cette position-là avec Saint Etienne. Bien évidemment, on en avait beaucoup parlé entre nous, on en avait rigolé mais lorsque j’ai chanté les derniers couplets, j’ai été rattrapée par la réalité : “Ça y est, c’est la fin…” Oui, la fin d’une aventure qui représente quand même quelque 35 ans de ma vie. J’ai versé des larmes, bien sûr. Et je crois que si on écoute le morceau attentivement, on perçoit cette émotion. Tout le monde était très ému à ce moment précis.

Quelle est ta chanson préférée sur International ?
Sarah Cracknell : Ça change souvent mais ces derniers jours, c’est Glad. Je trouve qu’elle résume bien l’album, j’en adore l’esprit. J’aime son côté positif. Il arrive qu’on se sente déprimé, quelle que soit la raison – un chagrin d’amour, l’état de délabrement du monde actuel –, mais il faut savoir prendre du plaisir dans ces petites choses de la vie, un rayon de soleil qui réchauffe notre visage, la pluie qui tombe, la mélodie d’une chanson qui s’échappe d’une radio…

D’où vient ce titre, International : c’est le succès que vous auriez pu avoir mais que vous n’avez pas eu ou refusé d’avoir ?
Sarah Cracknell : (Elle rigole.) Je pense que nous sommes très contents de la façon dont notre carrière s’est déroulée, car si nous avions eu un énorme succès sur une major, je pense que cela aurait tué notre plaisir et pour nous, la musique a toujours été un plaisir, pas une façon d’être riche ou reconnu. Nous avons décidé de toujours être sur des labels indépendants, Heavenly, Creation, Mantra…, afin de pouvoir imposer nos choix, d’être quelque part les principaux responsables de nos erreurs et nos réussites. C’est Bob qui a eu l’idée du titre : il était parfait pour un dernier album car nous nous sommes toujours vus comme un groupe international, nous détestons les frontières, les restrictions, nous croyons en la libre circulation des hommes, des idées. En Grande-Bretagne, il existe depuis quelque temps une résurgence du sentiment nationaliste, qui a conduit entre autres au Brexit… Pour nous, le mot “International”, c’est rappeler notre attachement au monde, à l’importance du cosmopolitisme.

Saint Etienne au commencement / Photo : John Stoddard
Saint Etienne au commencement / Photo : John Stoddard

Je me trompe donc peut-être mais j’ai quand même eu parfois l’impression que vous ne vouliez pas du succès, un succès que vous avez touché du doigt avec You’re In A Bad Way et He’s On The Phone, votre adaptation du Week-End À Rome d’Étienne Daho.
Sarah Cracknell : Je ne pense vraiment pas que c’était des décisions conscientes que de faire machine arrière, comme tu le dis. Je crois surtout que nous ne voulions pas compromettre notre équilibre en échange du succès. Nous n’avions aucune envie de sacrifier quoi que ce soit dans notre mode de fonctionnement pour avoir un hit énorme.

Tu nous a dit tout à l’heure que l’idée de faire d’International votre dernier album était déjà présente au début de l’enregistrement mais de vous trois, qui a eu cette idée-là ? L’un d’entre vous a un jour appelé les deux autres en disant : “Nous devrions enregistrer fissa un autre disque et ce serait le dernier !” ?
Sarah Cracknell : L’idée était dans l’air depuis quelque mois, depuis à peu près le milieu de l’année 2024, sans forcément qu’on l’évoque entre nous. Et puis, quand nous avons reparlé de tout ça, Bob a commencé par dire : “C’est moi qui ai eu l’idée”. Ce à quoi je lui ai répondu : “Tu es certain, je croyais plutôt que c’était moi !” Pete, lui, est resté fidèle à lui-même : “Ce dont je suis sûr, c’est que ce n’est pas MON idée !” L’important est que nous avons finalement tous les trois pensé que c’était une excellente décision. J’aime l’idée que nous contrôlions la fin du groupe, que nous terminions parce que nous en avons envie, sans nous engueuler, sans nous tourner le dos. Je crois que nous avions envie de tirer notre révérence avec élégance, de partir avant d’altérer notre discographie. Je me retourne sur ce que nous avons fait, et très sincèrement, il n’y a absolument rien que je regrette dans notre discographie. Sans donner de noms, je crois qu’il y a tout au long de l’histoire beaucoup de groupes qui ont continué juste par habitude… Nous ne voulions pas de cela. Je trouve qu’International est un excellent point final à notre parcours. Avec Foxbase Alpha, c’est comme s’il formait deux excellents serre-livres ! Et j’aime que les choses soient bien rangées.

L’impression que j’ai eu en écoutant International la première fois, c’est qu’il était un peu la bande originale d’un film qui raconterait la vie de Saint Etienne, tant on y retrouve presque toutes les facettes du groupe…
Sarah Cracknell : Ah mais c’est une excellente image, je n’y avais pas pensé, mais je crois que c’est exactement ça : la bande-son de notre vie !

Tu mentionnais tout à l’heure un morceau enregistré avec Vince Clarke et qui est resté inédit : tout au long de votre histoire, vous n’avez cessé de sortir via votre fan-club des compilations de titres rares, des singles de Noël etc… J’imagine que vous avez encore beaucoup de trésors cachés ici et là, non ?
Sarah Cracknell : (Elle sourit.) Oui, nous avons encore quelques munitions. Aujourd’hui, la certitude est que nous ne retournerons plus en studio pour enregistrer de nouvelles chansons. Mais rien ne dit que nous ne publierons pas d’autres disques d’inédits, en effet.

Et as-tu déjà pensé à la suite : tu vas arrêter d’écrire des chansons ou juste en écrire pour les réunions de famille ?
Sarah Cracknell : Un ami m’a posé cette question-là l’autre jour : “Mais, ça ne va pas te manquer ?” Et je sais que même si je vais regretter pas mal de choses, ce qui va vraiment me manquer, c’est d’écrire et enregistrer des chansons… Avec Saint Etienne en tout cas. Et en répondant à cet ami, je me suis mis soudainement à penser : “Bon sang, qu’est-ce que j’ai fait ?! Ai-je commis une terrible erreur ?!” Je n’ai pas encore réfléchi à l’après. En 2026 et 2027, nous allons donner quelques concerts et jouer dans des festivals, c’est une certitude. Mais après, je n’ai aucune idée de quoi sera fait mon avenir. Pete va continuer à enregistrer des musiques de films et à faire des remixes, et Bob va continuer d’écrire des livres et de sortir des compilations. Mais pour moi, c’est un mystère.

Quel est ton meilleur souvenir de ces 35 ans ?
Sarah Cracknell : Je ne sais pas si c’est le meilleur, mais je garde en mémoire notre première apparition au festival de Glastonbury, en 1993 ou 1994. Nous étions très en retard, nous avions perdu notre bassiste et nous nous sommes tous retrouvés sur le site trente minutes avant de monter sur scène, nous nous sommes préparés en vitesse dans la loge sans imaginer la foule qui était dehors. Quand nous sommes arrivés sur scène, nous avions 300 000 personnes devant nous et c’était assez grisant comme sensation, complètement incroyable… Il y a bien sûr nos passages à Top of The Pops, une émission avec laquelle j’ai grandi et que je ne ratais pour rien au monde. Je réalisais un rêve d’enfant et ça n’arrive pas à tout le monde un truc pareil ! La rencontre avec Étienne Daho bien sûr, avec qui on est resté très amis – il va venir à Londres en octobre d’ailleurs. J’ai aimé enregistrer avec lui, monter sur scène avec lui, danser dans sa cuisine parisienne aussi ! C’est vraiment un mec bien et nous avons eu la chance de croiser sa route.

Pete, Bob et toi avez des goûts musicaux très éclectiques et une grande culture musicale : penses-tu que ça a joué un rôle important à l’heure d’écrire des chansons ?
Sarah Cracknell : Oui, très certainement, ça nous a permis de ne pas nous fermer de portes je crois. Je pense aussi que le fait de ne pas être un groupe au sens traditionnel du terme nous a donné plus de liberté. Nous ne nous sommes imposés aucune restriction, nous ne nous sommes jamais dits : “Attention, il faut que l’on sonne comme ça”. Et cela reflète notre façon d’écouter la musique.

Si tu avais un dernier concert à donner, quelle formation choisirais-tu  ?
Sarah Cracknell : Impossible de répondre à une telle question, je risque de froisser trop de gens ! Disons que tant que Debsey est à mes côtés, tout me va.

Et si je te demandais de résumer l’histoire de Saint Etienne en trois mots ?
Sarah Cracknell : Si tu m’en accordes cinq, j’ai déjà la réponse : le rêve de ma vie.


International par Saint Etienne est sorti chez Heavenly Recordings

La chronique de l’album écrite par Michel Valente est disponible ici.

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