Saint Etienne, Finisterre (Mantra recordings)

Qu’on le veuille ou non, il existe un mystère Saint Etienne. Un mystère que personne n’a pu encore éclaircir. En théorie, ce groupe représente la quintessence de la perfection pop. Pas plus, certes. Mais certainement pas moins. Depuis ses débuts, il a toujours eu en main les cartes maîtresses. À commencer par une érudition irréprochable : sans cela, on n’a pas l’idée de reprendre – magistralement qui plus est – Only Love Can Break Your Heart de Neil Young, Who Do You Think You Are? de Candlewick Green ou Tous Les Garçons Et Les Filles (sous son titre anglais originel, Find A Boy) de Françoise Hardy ; Et l’on n’ose d’autant moins sampler si effrontément Dusty Springfield sur Nothing Can Stop Us. Mais surtout, ce trio a trop souvent fait preuve d’une virtuosité à l’heure de composer des mélodies délicieuses, de Spring à Heart Failed (In The Back Of A Taxi), en passant par Avenue, Like A Motorway ou The Bad Photographer. Autant de chansons qui, dans un monde plus juste – les sixties, en fait, époque à laquelle les alchimistes de la mélodie et des arrangements alignaient les hits comme d’autres enfilent des perles –, auraient dû caracoler aux sommets des charts du monde entier.

Qu’il décide d’opter pour la formule du tout électronique ou se laisse aller à des excursions acoustiques, Saint Etienne a presque toujours suivi qu’un seul principe : l’excellence. Pourtant, il existe un “hic” dans ce parcours qui frôle l’insolence. Jusqu’à il y a quelques années – le 7 octobre 2002, pour être précis –, les deux meilleurs “albums” signés par Bob Stanley, Pete Wiggs et Sarah Cracknell étaient en fait leurs “best of”, Too Young To Die (1995) et Smash The System (2001). Leurs véritables Lp’s, eux, faisaient parfois preuve de l’indolence dont sont victimes, ne serait-ce l’espace que de dix minutes – fatales, parfois – toutes les grandes équipes. Il y a deux ans, à la surprise générale – et histoire, peut-être, d’inaugurer leur union avec leur nouveau label Mantra –, les trois compagnons avaient pris tout le monde à contre-pied en s’acoquinant avec les Allemands de To Rococo Rot pour réaliser Sound Of Water, une œuvre ouatée, en apesanteur, d’un calme olympien. Un disque excellent au demeurant, mais sans doute pas celui que l’on attendait de magiciens capables de trouver une mélodie radieuse avec trois bouts de ficelles, de réhabiliter Felt ET Section 25 dans un même morceau. Mais, peut-être était-ce ce dont Saint Etienne avait alors besoin : “fuir” ses habitudes pour mieux se ressourcer, pour revenir avec les idées claires, pour mieux affûter ses meilleures armes. C’est exactement ce que vient confirmer Finisterre. Un titre qui annonce tout son contraire. Car cet album est enfin celui que le trio nous laissait espérer depuis plus de dix ans. Ici, tout confine à la perfection. De la pochette situationniste aux interludes récités par l’acteur Michael Jayston, en passant par les notes signées Mark Perry – ancienne figure de proue du mouvement punk avec son fanzine Sniffin’ Glue et éminence grise du groupe Alternative TV. Un premier contact que la suite des événements ne viendra pas démentir.

Cette fois, Saint Etienne ne se sent pas obliger d’y aller de sa touche kitsch. Seules comptent les chansons. Et elles sont parmi les meilleures que le trio n’ait jamais composé. En témoigne Action, précieuse ouverture en forme de manifeste, qui renvoie Sophie Ellis-Bextor à sa juste place : au fond de la classe. Wiggs, Stanley et Cracknell – qui a rarement aussi bien chanté – donnent le tournis, infligent une correction aux besogneux qui versent dans l’“electretro” eighties avec Amateur, se mesurent au Style Council ET à Burt Bacharach sur l’attendrissant Stop And I Think It’s Over. Entre un hip-pop badin par ci – Soft Like Me, avec l’aide précieuse de la MC Wildflower –, et une merveille mélodico-hypnotique par là – le morceau-titre, avec la collaboration de Sarah Churchill de Cosmetique –, le trio s’amuse, séduit et aguiche. Il signe surtout le tube définitif de l’année, Shower Scene, qui vient faire la nique aux Pet Shop Boys, pourtant pas manchots à l’heure des composer des ritournelles aussi entêtantes que dansantes… Et si, après tout, les récents problèmes de poids de Kylie Minogue étaient liés à la sortie de ce disque qu’elle aurait sans doute rêvé d’enregistrer, elle qui, un beau jour, relégua en face B des compositions signées Pete Wiggs et Bob Stanley. Finisterre ? Bonjour le paradis.

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