Rhume, Vigilance Rose (Liquide l’après-midi / Bruit Blanc)

 

Rhume Vigilance Rose

« Je monte les barreaux d’une échelle,
elle est molle »

À l’occasion de sa sortie en vinyle et en cassette le mois dernier, je voulais évoquer Vigilance rose (qui date de l’année dernière) du groupe Rhume. Comme de trop nombreux disques mis de côté, il était finalement passé à l’as, à force de reporter sine die son écoute. Il se trouve que le nom du groupe m’est revenu aux oreilles par la bande, puisqu’en travaillant sur les Années Lithium (encore elles, il faut vous y faire, hein, c’est l’œuvre d’une vie), j’ai interviewé Christian Quermalet (des Married Monk notamment). Ce dernier, metteur en son de Vigilance Rose, avait évoqué Rhume, en me disant que ça pouvait m’intéresser. D’ailleurs, en y jetant une oreille rapide à l’époque, j’ai vite fait le lien avec une question qui revenait souvent à propos du label de Vincent Chauvier (ne serait-ce que dans l’émission sur Rinse France, que je vous invite à réécouter) : pouvait-on identifier clairement un héritage, des descendants qui s’inscriraient dans une identité rattachée à Lithium ? La question était complexe puisque, justement, ce label avait mis en avant des jeunes gens faisant preuve d’une originalité parfois déroutante pour l’époque : vouloir en appliquer les recettes maintenant, ou en reprendre la grammaire apparaîtraient paradoxal ou contre-productif. Il y avait bien eu des petites humeurs quand Fauve, ce phénomène générationnel d’il y a quelques temps (première moitié des années 2010, une éternité, déjà) avait capitalisé sur quelques lignes empruntées à la galaxie DiabologumExpérienceProgramme, mais la tempête fut circonscrite à un verre d’eau, assez rapidement. Et après tout, pourquoi s’en plaindre ? Copie, influences, hommage, toussa.

Rhume
Rhume

En écoutant Rhume, d’ailleurs, on se plaît à imaginer un monde de continuité et d’influences positives, où des héritiers sans complexe pourraient se revendiquer de ceux d’avant, tout en jouant leurs atouts : on y entend bien une scansion hallucinée et poétique, comme les échos évidents des hurlements intérieurs d’Arnaud Michniak ou de Fredo Roman (Nonstop) ainsi que des constructions musicales proches des meccanos soigneusement assemblés par Programme ou des instrumentaux du #3 de Diabologum. Mais voilà, je vais arrêter là mes comparaisons, parce que le groupe, sans doute lettré et informé, possède sûrement ces disques importants dans sa discothèque, sans compter la présence aux manettes de Christian Quermalet, témoin et encyclopédie vivante de cette époque. Et puis à l’instar de cellules récentes farouchement autonomes – pensons à Théorème, à Poupard aussi -, Rhume va surtout de l’avant.

Rhume
Rhume

Alors, Rhume, c’est quoi en dehors de mes histoires de filiation et de frise chronologique ? C’est un groupe qui joue, tantôt pour faire bouger les corps, tantôt pour agiter sa tête dans l’espoir d’accéder à d’autres mondes. Et ça fonctionne. Le groupe produit une musique cérébrale et construit de solides fuites progressives sur lequel slame un homme et son écho sur des motifs littéraires récurrents (obsession sur la mort, l’hôpital, la chirurgie). Le gros travail sur les voix permet de se plonger dans ce disque cerveau et de passer d’un état (souvent de colère) à une situation d’hébètement devant les folies du monde, passé au prisme de l’écriture de Rhume. Les textes jouent sur des juxtapositions, des allégories discrètes mais efficaces, des entrechocs entre les mots, dans l’idée de raconter une histoire, sans céder à la tentation du vers coup de poing. J’écrivais tout à l’heure que le groupe « joue » et en effet on a à faire à de sacrés gars dont on sent l’énergie qui pulse sur un rock précis et tiré au cordeau (je cherchais à éviter « math-rock », ah mince). Alors, c’est clair, on n’est pas dans un monde de paillette, sexy et glamour, ça joue rude, ça sue un peu sans doute, ça gueule dans l’oreille, mais c’est tout bon, parce que l’enchaînement des plages (avec dérivation instrumentale très belle) nous fait explorer un grand huit de sentiments et de sensations pour peu qu’on prenne le temps, allongé sur un canapé, les yeux collés au plafond, le casque à fond.


Vigilance Rose par Rhume est disponible chez Liquide l’après-midi / Bruit Blanc.

2 réflexions sur « Rhume, Vigilance Rose (Liquide l’après-midi / Bruit Blanc) »

  1. Super article!
    J’adore ce groupe, je suis devenue une grande fan après avoir vu leur concert au petit bain à parie, une tuerie, ils ont mis le feu.
    J’adore

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