« Non jamais l’amour n’est sublime,
mais je préfère que rien ne finisse«
Je crois que c’est Stephen Pastel qui rappelait récemment* l’importance du mystère dans la musique. Ou plutôt, l’importance de ne pas chercher à trop en savoir, que finalement seule la musique compte, ce qu’elle nous procure en joie, en sensations, en émotions. Ça peut être paradoxal avec ce qu’on cherche ici, en construisant des ponts quotidiennement sous forme de critique et de dialogues avec les musiciens qui sont derrière les chansons qui nous plaisent, mais je comprends le point de vue. A une époque où le moindre clic nous ouvre des mondes infinis, maintenir à distance la ronde des informations, se préserver un tant soit peu, peut se révéler salvateur, surtout autour de groupes qui ne réclament pas une attention qui clignote comme un gyrophare, qui ne cherchent pas forcément les lumières.C’est ce choix que j’ai eu à faire à propos de la clique autour de Boom Boom Tchak, petite maison de disques, qui a proposé coup sur coup deux courts disques, bonheurs de ce début d’été : rentrer dans la discussion pour en savoir plus, découvrir l’histoire, la raconter ou juste se laisser bercer par deux EP étranges, Combel par Monsallier et donc Comme Une de Pierre Ponge ? J’ai sauté le pas – on ne se refait pas – en conversant par téléphone avec Monsallier qui a donné ce Sous surveillance, et sans regret : Julien Monsallier est de ces artistes drôles et passionnants qui semblent livrer leur vécu avec recul tout en sachant préserver leur face cachée. Bien sûr, il m’a révélé que Monsallier et Pierre Ponge partagent un tronc commun de musiciens et une histoire croisée. D’autres sources (toujours croiser les sources) ont confirmé et abondé dans ce sens. Mais peu importe, s’ils appartiennent à une même famille, au fond, leurs musiques sont bien distinctes, malgré des points communs, ce léger groove tamisé.
Gardons donc un peu de ce mystère, Pierre Ponge, comme je l’écrivais dans la légende de la playlist mensuelle de Section 26, est un groupe pour lequel on a envie de ressortir le mot « culte ». Parce que leur chansons semblent tellement à côté de leur époque, pas rétrogrades, non, juste dans une dimension parallèle, fréquentée par un petit club comblé de connaisseurs dont on ferait bien partie, avec ce qu’il faut d’esprit exclusif, on confesse. On y ressent un amour archaïque (cf le Velvet) des guitares et des atmosphères posées, discrètes – m’est venu à l’esprit le fameux groupe texan Bedhead pour ces entrelacs de 6-cordes électriques moelleuses et mélancoliques, tout en économie. On y entend une voix aussi, volontairement posée en retrait, dans des tonalités gazeuses, comme si elle n’était que volute de fumée. Les textes délivrent aussi leur lot d’énigmes (il est question d’une abeille avalée qui ressort par un sexe, ce genre de drôle de choses), même si on sent l’ombre oppressante de la grande ville, Paris, omniprésente. Il y a dans plusieurs domaines quelques rapprochements à faire avec le rock ‘dulte des Mercuriales (sur Vélo commune, par exemple) – qu’on a évoqués il n’y a pas longtemps – dans ce blues urbain, et ces toiles pointillistes en tension. Un club, un culte, on vous dit. En tous les cas, un bien beau disque qui hante sans s’imposer, la classe.
*(à propos de Paris Banlieue : « Sometimes to know too much about something gets in the way – ‘don’t tell me’ are three words we need to pay more attention to. » sur le site du magasin de disques Monorail)