Pandore – Lamia Ziadé, Female Species, Paul Verhoeven

Collage sauvage et de mauvaise foi de l’actualité culturelle de la semaine

Female Species
Female Species

J’ai toujours été fasciné par cette scène d’explosion dans le Zabriskie Point de Michelangelo Antonioni. La violence et son aspect soudain, le montage méticuleux d’Antonioni pour livrer chaque détail, chaque minuscule élément embarqués dans les flammes et ce final terrible. Je ne sais pas si Lamia Ziadé a pensé à ce film en apprenant la nouvelle de la dévastation du port de Beyrouth. Ziadé se documente avec minutie sur ce drame, ce symbole. Depuis quelques années déjà, elle dessine ses souvenirs avec des couleurs à la Matisse. Ses textes sont, eux, assez proustiens. Ils viennent et reviennent sur des moments clés du pays, sur des personnages historiques ou culturels et puis toutes ces pages sur la famille… C’est un élan de tendresse et de sidération que ce nouveau livre. Mon Port de Beyrouth prend parfois aussi cette tournure de désespoir non feinte. Car cette explosion est une tragédie et Ziadé la dessine avec obsession. Il y a toujours quelque chose de sublime à voir ce combat pour ne pas oublier… et pour que personne n’oublie. Numero Group a aussi ses obsessions. Le label américain a pour mission de faire réentendre des voix oubliées, des groupes fantômes. C’est par une de leur compilation – Louis Wayne – que j’ai pris connaissance de l’existence des soeurs Gossett. Vickie et Ronnie Gossett ont traversé un peu tous les registres musicaux jusqu’aux années 90. Mais leur haut fait se résume par Tale of My Lost Love. Cet album initial, d’une pureté remarquable est un classique de pop. Certains titres pourraient figurer chez David Lynch. C’est une musique étrange et innocente qui nous replonge dans une Amérique fantasmée. N’hésitez pas à aller entendre ce qui fait résonner si fort cette boîte de Pandore. Autre boîte de Pandore ouverte sur écran – Benedetta de Paul Verhoeven. Je m’attendais, comme une feignasse, à voir une réponse méthodique à la Religieuse de Jacques Rivette. Mais dans ce film, ce qui m’a le plus marqué, c’est les hommages appuyés à l’âge d’or de la peinture flamande. Les décors filmés m’ont rappelé les intérieurs maniaques et grandioses peints par Pieter Saenredam. Verhoeven s’amuse à faire fondre un gris janséniste dans une mélasse où le baroque et l’érotisme s’entendent à merveille. Évidemment, le réalisateur ne distingue pas le charnel du mysticisme et filme Virginie Efira dans une sorte de menace, une explosion à venir. À travers ce personnage de nonne tout en ambivalence, le film travaille surtout à se foutre de toute vraisemblance.


Mon Port de Beyrouth par Lamia Ziadé (Éditions POL)
Tale of My Lost Love de Female Species (Numero Group)
Benedetta de Paul Verhoeven, actuellement à l’affiche.

BONUS A ÉCOUTER :

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