Rennes fut longtemps une place forte du garage contemporain français, avec en tête de proue Kaviar Special ou les Madcaps. Le garage semble désormais, d’une manière générale, ne plus intéresser grand monde à part les purs et durs qui rêvent de pogos sur les interminables jams seventies des Oh Sees. En revanche la scène indie-pop a pris une certaine ampleur en France depuis quelques années, autour de formations comme En Attendant Ana, Sex Sux ou Pastel Coast. Dans l’esprit de ces groupes, les Bretons d’Origan nous plongent dans une indie-pop très canal historique. T’es Pas Un Amour (Melotron) offre une étonnante suite au catalogue Sarah Records et notamment Field Mice. Comme leurs aînés britanniques, les français aiment les ambiances teintées d’une certaine mélancolie, tout en sachant garder ce zeste de légèreté. Ni lugubre, ni plombante, leur musique est plutôt aérienne. Les deux guitares de Théo Fouilleul et Corentin Cornières aux sonorités claires, se répondent et tricotent de délicates volutes, parfait écrin pour la voix fragile de Chloé Barthod. La basse de Thibaut Morinière (qui écrit de temps en temps ici) a quelque chose d’un peu post-punk et évoque un lointain cousinage avec New Order ou The Cure dans sa manière d’égrainer des mélodies. La boîte à rythmes complète la comparaison avec les souris des champs, comme chez les Anglais, elle s’efface au profit des chansons ne gardant de sa mécanique que sa régularité et une certaine sobriété. L’ensemble est éminemment bancal, la production DIY mais pas non plus caricatural. Si cela manque d’un peu de sucre – des effets sur la voix, un peu plus de pêche sur les batteries – mais cela ne dessert pas le propos tant la fragilité est une valeur cardinale de ce style musical. Surtout, les chansons suivent. Au nombre de six, elles sont dans leur grande majorité en français (seule Princesse Mouche est en anglais). Un choix tout sauf anodin tant ce style semble dominer en France par les formations anglophiles, Pastel Coast, Rémi Parson ou Requin Chagrin étant peut être les seules autres exceptions contemporaines. Loin d’être incongru, ce choix complète la démarche sincère d’Origan. Amour de Zoulette sonne comme un petit tube indé édité sur 45 tours autour de 1987 avec une pochette pliée. Solitaire se noie dans un halo de guitare tandis qu’Origan ose des arrangements plutôt ambitieux (et 100% synthétiques) sur l’excellente Doudou de Tekos. Avec T’es Pas un Amour, Origan révèle une certaine aisance pour les mélodies douces-amères qui, nous l’espérons se confirmera.
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