France, terre d’asile. J’ai lu, je ne sais plus où (ou alors mon cerveau malade l’a inventé) un truc marrant : les dauphins que les hommes peuvent approcher sont parait-il, les parias de leur société. Ils ont été rejetés par leur communauté de dauphins, et c’est pour ça qu’ils recherchent de la compagnie auprès des hommes. Sinon, un vrai dauphin dauphin, intégré, impossible de l’approcher, tintin, walou. Je ne sais plus où je voulais en venir, si, bon, appliqué aux humains, c’est un peu bizarre mais ça marche. Une copine née au Japon est venue habiter en France, parce qu’elle ne supportait plus la façon dont les hommes là-bas la traitait. Elle se sent vachement plus française, en fait. Elle est batteuse de jazz et s’épanouit loin des bureaux funestes aux mains baladeuses de son pays. France terre d’asile donc. Nathan Roche, on peut le voir comme ça, il perpétue cette tradition de réfugié rock’n’roll, de gars plus (re)connu chez nous que chez lui. On peut remonter aux jazzmen qui venaient passer ici un temps de liberté, alors que leur pays, les States, avaient plutôt une façon raciste de les persécuter. Ou moins loin dans le temps, une maison de disques comme New Rose qui accueillait les œuvres de parias bien aimés ici, Arthur Lee, Alex Chilton, Bruce Joyner, la liste est longue, en phase terminale de leur carrière. Bon, c’est moins tragique pour Nathan, mais il y a quelque chose de cela.

Il y a quelque chose de ce romantisme de la déglingue chez Nathan Roche, on avait pu le constater dans le Villejuif Underground, son premier véhicule dont les racontards sur les prestations sauvages et le mode de vie extrême en tournée dégageaient une rock’n’rollité indiscutable. Avec ce que ça dégage d’ennui un peu poli, mais bienveillant, chez votre serviteur, il faut bien l’avouer. La petite histoire, c’est que Nathan Roche semble avoir rompu avec ce cercle de l’enfer après un aller-retour vivifiant sur ses terres natales. Nouveau label (transfert de Born Bad à Celluloid, canal héritier), et nouveau disque sous son nom (on a oublié de compter). On n’est pas super dépaysé : grosse énergie, rock garage qui crie, qui sue, qui riffe, avec cette félinité sableuse tout australienne (Birthday Party, Saints), cette façon moderne d’y coincer un morceau acide de psychédélisme, un tranche de gospel acidulé (des beaux chœurs à des beaux moments), ou des granules de pub rock anglais, de grâce nouillorquaises (Lou y es-tu ?), rhythm & blues décontracté, tout y est (mélangé et dans le désordre des arrangements).
Comme tous les grands poètes et un peu clochards célestes anglo-saxons – parfois je pense au Passion Fodder de Theo Hakola -, qui ont trouvé un endroit où se poser chez nous, la langue (pendue) les titille : et je ne vous le cache pas, c’est les deux portes d’entrée que Nathan Roche m’a offertes sur un plateau, à votre supporteur de la « poésie française » préféré (à prononcer avec l’effet ORTF). Deux petites grenades dégoupillées sur les plages de mon débarquement intime, J’en ai marre et C’est inutile, les deux meilleures chansons en français de l’année. Comme quoi, c’est pas si compliqué, avec un vocabulaire limité à dix mots, on peut dire toute l’époque, tout le pays, et presque toutes les émotions qui comptent VRAIMENT. Même un australien en est capable, enfin un australien-dauphin, d’accord. L’immigration, c’est bien, voilà.