Minuit, Minuit. Cette caresse sur la couverture blanche, quelques traces. Un titre, du bleu et blanc – rien de plus. Des auteurs et autrices, non des moindres. Des lectures essentielles, surtout. Je n’ai rien contre les reprises. Moi-même, actuellement, je reprends et reviens dans les allées d’une librairie. J’avais pourtant juré de ne pas y retourner. Rien ne semble changer en apparence si ce n’est une gigantesque liberté en plus. C’est tout ce que je souhaite aux Éditions de Minuit – cette gigantesque liberté. La nouvelle de leur reprise par Gallimard, qui avait, quelques années avant, soulevé la Table Ronde, peut interroger. Mon premier sentiment est une certaine mélancolie. J’arpente ce merveilleux catalogue et me demande : sera-t-il le même demain ? Y aura-t-il encore des jours brûlants ? Je me fous de jouer les Cassandre, peu importe. Demeure, pour ma part, un peu de chagrin et de peine perdue. L’une des dernières parutions s’intitule – L’Altération des mondes. David Lapoujade questionne la mise en spectacle de ce que l’on nomme le réel et lui oppose l’étrange véracité d’une réalité parallèle. S’appuyant sur les écrits et pensées paranoïaques d’un Philip K. Dick, Lapoujade se montre passionnant. La représentation factice du monde est une servitude selon lui. Je souhaite à Minuit d’être dignement représenté. Autre représentation, celle d’une musique pop sortie d’un éden fantasmé. Francis Lung essaie de soutirer la sève prolifique de l’Abbey Road des Beatles. On est souvent lassé de ces éternelles reprises, de ces hommages appuyés aux quatre de Liverpool durant Miracle. Mais la joie d’entendre cette pop lumineuse, cette force vive, emporte tout. Lung est un élève appliqué et joueur à la fois. Il se rend invisible derrière la reproduction maniaque d’un style. Cela le rend presque beau et son disque possède des moments de grâce. Reproduction d’un mythe qui m’a toujours emmerdé – celui de Peter Pan – Wendy de Benh Zeitlin est un film à la fois navrant et sublime. Les embardées panthéistes de Zeitlin, cette nature cadrée au plus près, forment le cœur de sa proposition esthétique. Mais cette adaptation de James M. Barrie offre des moments surlignés, lourds. On croit assister au mariage forcé de Mad Max et Peter Pan. Au final, il est nécessaire que les éléments changent ou vieillissent, c’est une preuve du vivant. Minuit se métamorphose, je me retrouve heureux libraire dans une ville de corsaire. Oui, il y aura – encore – des jours brûlants.
Minuit a sonné – David Lapoujade, Francis Lung, Benh Zeitlin
Collage sauvage et de mauvaise foi de l’actualité culturelle de la semaine