D’abord, il y a le titre du disque. Ce titre qui, dès qu’on l’a lu pour la première fois, il y a quelques semaines de cela, a évoqué un autre titre. Celui du troisième album de Moose, Live A Little Love A Lot. Parce que ces deux titres sont de ces titres qui en disent long sans pour autant tout dévoiler, des titres qui restent des suggestions, des titres qui laissent deviner que, comme dans un film de Frank Capra (au hasard, vraiment), la vie reste belle. Ou qu’après tout, c’est d’abord à nous de la rendre belle. Et ça tombe bien : les chansons de Meaning Of Tales sont de celles qui facilitent la tâche. Des chansons de l’intime, des chansons de temps qui se suspend, de petits instants qui changent, si ce n’est le cours d’une vie, au moins celui d’une journée. Des chansons qui dessinent des sourires ; des chansons de crépuscule, de ciel qui rosit, de rayon vert, de vagues qui roulent sur le sable.
L’histoire est simple, à l’image de la musique qui en découle : à Giverny, deux garçons se rencontrent à une fête, se trouvent plein d’affinités et surtout celle d’écrire sur des guitares toutenbois ces chansons déjà évoquées. D’imaginer des mélodies, des harmonies et des chœurs qui accrochent les cœurs, à commencer par ceux des têtes pensantes du label franco-anglais Violette Records qui ont donc invité Carl Egger et Théophile Huau Armani à enregistrer un de ces fameux Elp – pour résumer, un mini-album vinyle réalisé en 25 cm, format grâce auquel on a entre autres découvert la pop haïku et si belle de Studio Electrophonique. Entre douceur et légèreté, on pense bien sûr à un autre tandem, les Norvégiens de Kings Of Convenience, à qui Meaning Of Tales (tiens, un nom en trois mots, comme un clin d’œil ?) a prêté allégence (et qu’il cite ouvertement comme référence) ; on pense aux Beach Boys aussi c’est vrai, mais aux Beach Boys de l’épure, aux Beach Boys sans fioriture ni chantilly, aux Beach Boys de Friends. On pense enfin – je dis « on », mais il n’y a sans doute que moi – aux chansons douces-amères de Le Mans – celles d’Entresemana et de Saudade surtout –, dont les cinq membres ont pris les traits parfaits de cousins éloignés puisque là aussi, comme à Donosti, la mélancolie se porte en bandoulière, les souvenirs n’ont jamais l’allure de photos jaunies. Et puis, parce que Giverny sans doute, on pense également –je dis « on », mais il n’y a sans doute que moi – à l’impressionisme d’un artiste espagnol, Joaquín Sorolla, dont le titre de “peintre de la lumière” sied si bien aux compositions du duo, qui auraient pu être les bandes originales absolument parfaites de ces toiles imaginées à Biarritz, Javea, San Sebastian (ah, on y revient) ou Zarautz – et l’on se dit que le jardin du Musée Sorolla, niché en plein Madrid, serait un écrin parfait pour ces mélodies-là.
Mais en attendant que ce rêve devienne réalité (pourquoi pas, après tout), il y a ce disque qui tourne en boucle, ces moments dénudés d’une fragile tranquilité qui fricote avec l’éternité, ces pincements de cordes comme autant de pincements au cœur (et oui, là aussi on y revient), ces silences qu’on se surprend à fredonner, ces voix qui rassurent, apaisent, s’envolent et filent des frissons. Il y a six chansons. Six chansons amies œuvres de deux jeunes hommes qu’on ne connait pas. Mais qui eux semblent si bien nous connaitre.