Los Planetas, Pop (RCA, 1996)

Il faut être quelque peu hardi pour nommer son disque Pop… Los Planetas s’autorisent cette fantaisie en 1996 pour leur deuxième album. Pourtant, tout reste à faire ou presque pour les Espagnols au mitan des années 90. Le groupe se forme quelques années plus tôt à l’Université de Grenade. Juan Rodríguez (Jota) étudiant en sociologie y rencontre Florent Muñoz, lui en cursus de droit. Les deux partagent un amour viscéral pour le Velvet Underground, mais aussi The Church et la littérature beatnik (Kerouac). Ils gravent plusieurs démos et se font remarquer dans des concours de groupes non signés (Diaro Pop, Disco Grande, Rock de Lux). RCA prend contact avec eux à l’époque, cependant la major est précédée dans les faits par le label madrilène culte Elefant (Family, Le Mans, La Casa Azul…).

Los Planetas / Photo : DR
Los Planetas / Photo : DR

En effet, en 1993, Los Planetas publient l’EP Medusaun quatre titres dont l’impact sur la scène indépendante ibérique est considérable. Le groupe veut profiter de cette impulsion pour concrétiser un premier album. Elefant décide d’utiliser ses fonds sur un autre groupe et voilà Los Planetas signant chez BMG/RCA. Un an plus tard sort effectivement Super 8 (1994). L’accueil de l’album est alors mitigé, entre exaltation et indifférence polie. Los Planetas ne se démontent pas et se remettent au travail. En plus de Jota et Muños, le groupe comprend également la bassiste May Oliver, tandis que le poste de batteur est assuré (sur l’album) par Raúl Santos et Eric Jiménez. Coté production, les Espagnols font appel à Kurt Ralske (Ultra Vivid Scene). Dès le titre de l’album, Los Planetas brandissent leur détermination. Cela se traduit dès l’entame par la très ambitieuse db et sa généreuse durée.

En neuf minutes, les Espagnols dessinent des perspectives lointaines où les guitares s’empilent tandis que les paroles s’esquissent en quelques mots. Jetant des ponts entre Mercury Rev et Joy Division, ce premier morceau est une intrépide déclaration d’intention. Pop tempère heureusement le propos. Il est justement question de défendre cette magnifique idiome. À ce jeu-là, Los Planetas brillent de mille feux. L’alignement des astres semble parfait. Le groupe est saisi par la grâce (Jose Y Yo). L’ironie de surface d’Himno Generacional #83 ne masque pas l’enthousiasme général. Le festival de guitares se poursuit sur la fantastique La Máquina De Escribir. Saturation, feedback, Los Planetas s’embarquent dans une aventure homérique, une quête du bruit sauvage, tout en ayant toujours en tête de faire de la musique pop. David Y Claudia offre des somptueux arpèges cristallins et des mélodies à se damner, tandis que 8 aurait presque sa place sur un album de Teenage Fanclub. L’appétence des Planetas pour la bande à Cale et Reed évoque parfois des formations nord-américaines comme Pavement (Aeropuerto, Ondas del Espacio Exterior). Comme ces derniers, Los Planetas ont vu la lumière à travers les ténèbres du Velvet. Ils se sont employés à en faire une musique personnelle. Généralement considéré comme le plus faible des quatre albums classiques du groupe, Pop, à l’image de sa pochette bigarrée, signée Javier Aramburu de Family, nous plonge dans une expérience frénétique, parfois désordonnée mais très attachante et remuante. La musique de Los Planetas vibre à cent à l’heure, le groupe y déploie une élégance mélodique flamboyante dont l’intensité ne faiblit pas, 28 ans plus tard.


Pop par Los Planetas est sorti en 1996 sur le label RCA.

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