En réalisant cette compilation, j’ai découvert que Patty Schemel de Hole avait écrit – chose rare parmi les batteurs – un livre autobiographique, Hit So Hard, qui a même inspiré un documentaire du même nom réalisé par P. David Ebersole, visible sur Dailymotion. On y apprend notamment qu’à l’époque de l’enregistrement de Celebrity Skin de Hole, le producteur Micheal Beinhorn – connu pour être la bête noire des batteurs – était parvenu à persuader le reste du groupe de faire remplacer Patti par un requin de studio, sous le prétexte que ses prises n’étaient pas assez parfaites à son goût. Cet événement humiliant a entraîné son départ du groupe et a par la suite contribué à précipiter son interminable descente aux enfers dans l’héroïne et le crack. Pourtant, quand on réécoute un disque comme Live Through This, et notamment des titres comme Violet ou Gutless, on s’étonne qu’une batteuse à la fois puissante, précise et techniquement impeccable ait pu être remplacée en studio sans que le groupe ne s’y soit opposé.
Quoi qu’il en soit, cette histoire m’a conduit à m’interroger sur les différences de niveau technique entre les batteuses apparaissant sur la présente compilation, tout ça pour conclure que la technicité n’avait au fond guère d’importance. Certes, on peut louer la grande maîtrise technique de nombre de musiciennes comme Janet Weiss, Sara Lund, Patty Schemel, Amy Linton, Kate Schellenbach, Sandy West, Gina Schok, Swanny Elzingre, Georgia Hubley, Marian El Pino, Astuko Yamano etc, mais des batteuses au jeu minimaliste et techniquement moins spectaculaires comme Moe Tucker (Velvet Underground), Valerie Scroggins (ESG), Peggy O’Neil (The Gories) n’en sont pas moins irremplaçables et singulières.
Au fond, il semble que la créativité, le sens musical et la pertinence soient les seuls critères vraiment valables pour définir un bon batteur. Un certain non-conformisme aux standards de la batterie tels qu’on les inculque dans les conservatoires paraît même ajouter une certaine authenticité indispensable à certains groupes. Le jeu un peu raide et bringuebalant de Bernice Simpson des Pastels, voire carrément maladroit de Heather Lewis dans Beat Happening, ajoute même un charme naïf à l’ensemble. Imagine-t-ton les excellentes Tobi Vail (Bikini Kill), Palmolive (Slits, Raincoats) ou Molly Neuman (Bratmobile) remplacées en studio par un Manu Katché ? La musique des groupes dont elles ont marqué l’identité perdrait immédiatement leur âme.
et Cindy Blackman?