« Je me noie de lumière et dans l’ombre, bercé, je n’ai plus en dedans de larmes à verser »
Pour son ixième long format – je renonce à compter sur Bandcamp, d’autant plus que j’imagine que d’autres disques de cet énorme corpus se cachent ailleurs – Le Bâtiment continue de s’avancer démasqué. Sans que l’on ne sache trop s’il est question d’économie des moyens, de lâcher prise ou d’adéquation sur-consciente avec le sujet du disque (compris dans le titre) – en gros une urgence à s’exprimer en dehors de tout cadre pour une question de vie et de mort, donc – il se présente avec sa guitare, seul devant son micro, avec de très légers re-re (des chœurs très jolis, une seconde guitare, quelques percussions) pour interpréter, à vif, une dizaine de chansons nues. Dans une époque qui ne cesse de repousser les murs des techniques de productions, de s’en enorgueillir, il y a quelque chose de profondément suicidaire à réciter le bréviaire d’un lo-fi complètement rincé : si l’on peut maintenant construire des cathédrales dans les sous pentes des chambres de bonnes équipées d’un home studio, à quoi bon jouer la carte très années (19)90 de cette sous-production, pose aussi vaine que le flou vintage d’un filtre Instagram ? Peu importe au final tant Réponses rythmiques remporte la mise ailleurs qu’à la prise de son, ou à sa mise en forme, par ces chansons magnifiques capturées par la machine (GarageBand version 2008, de source sûre) : que ce soit Les jours passés et les nuits à venir, qui commence comme un petit rock’n’roll primitif pour muter durant quatre minutes en plusieurs segments maitrisés malgré la fragilité apparente, chaque souffle, chaque variation du chant obéissant à une architecture discrète mais présente ; que ce soit le sommet de ce disque, Les écrits, deux minutes étourdissantes d’un gospel intime (on peut même entendre « Seigneur » à la place de « S’ignorait-on », si on se laisse aller) où Le Bâtiment égrène avec dureté de petits mais fatals renoncements : « Comme rien n’est jamais acquis, on s’attache à n’importe qui ». Que ce soit cette chanson de la campagne (Le bestiau) qu’un jeune Murat sans manière n’aurait pas dédaigné ; que ce soit enfin la magistrale ouverture, L’œuvre, touchante et douloureuse traversée d’un sentiment à sa transformation en chanson, qui ouvre et conclue à la fois, soulignant l’aspect court et éphémère du disque : « Le temps d’y prendre goût, l’œuvre est déjà finie ».
(merci à Flóp pour avoir attiré mon attention sur Le Bâtiment et son œuvre)