Lauren Auder

Lauren Auder
Lauren Auder / Illustration : Pauline Nunez

Le regard est vague, l’expression lunaire, l’apparence indéfinissable, qui semble hésiter au fil des jours entre street et néo-romantique. Urbain et gothique. Une allure hybride, un genre qui n’a plus d’importance. Des ongles rouges et des cheveux longs, pour un garçon, on appelait ça androgyne, mais ça, c’était avant. “Maintenant, tout est dit, tout est ouvert. Il y a la musique, il y a moi, et le reste c’est un peu superflu… Tu me vois tel que je suis, et ce que j’ai envie de dire, je le dirai à travers mon art.” Si quelques traces d’adolescence filtrent encore à 19 ans, la pose est certaine mais la maturité est là, sans doute arrivée à très grande vitesse par les voies profanes de l’internet. Débarqué de nulle part en ce début de printemps, Lauren Auder a lancé The Baptist à la face du monde, le genre de chanson dont on ne se remet pas tout à fait. La voix grave, le timbre alangui, la prose précieuse, il chante en apesanteur, porté par un piano, des cordes, un orgue et quelques grésillements bruitistes à peine perceptibles. Semblable au râle ultime d’un vampire millénaire, des siècles de mélancolie coulant dans ses veines. En cinq titres d’un brillant Debut EP, il place ça et là quelques pierres blanches. A commencer par des textes chargés émotionnellement : “L’histoire qui se déroule au fur et à mesure, c’est celle de l’apprentissage des déceptions amoureuses, ce que ça représente, est-ce qu’on est prêt à y faire face. J’utilise toutes sortes de métaphores, bibliques ou mythologiques, pour représenter vraiment à quel point ces choses semblent changer le monde autour de nous quand on les vit. C’était vraiment important pour moi de respecter ces émotions adolescentes, vécues à un moment où on n’a pas forcément de recul.” A l’âge des premiers émois, il grandit isolé en internat, perdu dans la campagne autour d’Albi, dans le Sud de la France. Des parents critiques rock, maman pour le NME, papa pour Keerang, la magazine de Metal, qui lui ouvrent les vannes d’une solide culture musicale et d’un certain sens de la dramatisation. « Ils m’ont toujours dit qu’il ne faut pas laisser la vérité gâcher une bonne histoire, n’est-ce pas? » Lauren écoute ainsi – millennial oblige – autant de Black Metal (« définitivement mon genre préféré »), que de noise, de classique, Scott Walker ou récemment, du cloud rap. « Traces (le morceau d’ouverture, ndlr) est un amalgame façon Frankenstein de plusieurs morceaux, comme une espèce de collage, qui reflète tous les divers moments de l’EP, qu’ils soient plus électroniques, plus acoustiques, plus orchestraux, et plus noise aussi. » Co-produit avec son ami Devianz, Who Carry’s You est aussi le fruit d’une rencontre avec Dean Bein, boss du label True Panther Sounds, au joli tableau de chasse (King Krule, Abra, Tobias Jesso Jr, mais aussi Cloud Nothings, Girls, Real Estate, Unknown Mortal Orchestra…). « C’est lui qui est venu vers moi, ce qui était très flatteur. J’ai eu la chance d’avoir composé un morceau, Stigmata, qui avait fait à l’époque un peu de bruit. Il était simplement curieux de savoir ce que je souhaitais faire vraiment de la musique. Le reste, c’était vraiment une suite de longues conversations en lien avec mes projets, ce que j’avais envie de dire sans forcément qu’il y ait eu de proposition de disque. Jusqu’au jour où on s’est dit, en fait, pourquoi pas. Pourquoi ne pas essayer d’aller plus loin. » Celui qui a décida à 15 ans de se consacrer complètement à la musique choisit alors, après un premier live au Midi Festival en 2016, de vivre un petit ermitage pour peaufiner ses premiers pas. Relocalisé à Londres, il gravite dans une sphère musicale comme une famille recomposée, avec quelques artistes comme Coucou Chloé, Oklou ou Slowthai : « J’ai de la chance, mes artistes préférés sont mes meilleurs amis ». Hip-hop stellaire, baroque contemporain ou pop ethérée, l’écoute des premiers pas de Lauren Auder offre à son auteur un champ des possibles si vaste, que l’on peut attendre la suite avec un véritable espoir.

Lauren Auder jouera à We Love Green le 3 juin, et le mardi 30 octobre à 19h30 au Café de la Danse à l’occasion du Festival Pitchfork Avant-garde.
https://soundcloud.com/lauren-auder

 

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