Vous l’aurez peut-être remarqué, en ce début d’année, nos publications se sont faites un peu plus espacées. Alors oui, on peut assumer cette phase un peu moins active et motivée de la part de nos équipes qui ne me contrediront pas. Pas toujours évident de maintenir ce cap ambitieux que nous nous étions fixé il y a presque 6 ans, à savoir un choix éditorial de passionnés, aussi diversifié que possible dans sa vision de la pop moderne, au rythme d’un article par jour, le tout 100% indépendant et bénévole. Illusoire peut-être dans ce contexte où labels indépendants mettent clé sous la porte à tour de bras, où une bonne partie des auditeurs imaginent encore que tout est gratuit, où la presse papier musicale n’en finit plus de tirer la langue, où certains sites de référence souffrent du rachat par de gros groupes, où la mondialisation galopante tend à favoriser les artistes de grande envergure autant sur scène que sur les sites de streaming. Mais nous n’avons pas dit notre dernier mot. Plus que jamais, nous croyons sincèrement au partage de la culture, entre générations, entre genres, entre milieux, entre identités. Tant qu’on aura envie de vous donner envie d’écouter ces trente-cinq nouveautés par mois (sans compter le reste, à peu près tous les jours sur le site), et surtout tant qu’elles seront de cette qualité-là (non, l’indie n’est pas mort, chers pisse-vinaigre), section26 existera, envers et pour vous.
Thomas Schwoerer
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NDLR : Les playlists Deezer et Spotify ne comportent pas l’intégralité des titres de cette sélection.
1. Jessica Pratt, Life Is (Mexican Summer/City Slang)
Il y a cinq ans, la grande Jessica Pratt publiait son troisième album, Quiet Signs. Elle expliquait à l’époque en interview son récent déménagement de San Francisco à Los Angeles, ville du soleil omniprésent, et l’opressement qui en découlait pour elle, l’introvertie, la mélancolique. Here in the Pitch paraîtra le 3 mai, et il ne sera probablement pas plus ensoleillé que ses prédécesseurs. Ironie : elle cite un classique des sixties, The Sun Ain’t Gonna Shine Anymore des Walker Brothers, comme influence pour ce premier single, dont le côté cinématographique et grandiloquant est bien la seule emprunte de la Cité des Anges. CG
2. Mick Harvey, When We Were Beautiful & Young (Mute Records)
Sortie surprise d’une magnifique chanson de Mick Harvey, premier extrait d’un album solo à venir en mai, Five Ways to Say Goodbye. Probablement l’une des plus touchantes réflexions sur le temps qui passe entendues depuis longtemps. PR
3. Beth Gibbons, Floating on a Moment (Domino Records)
Et pourquoi ne pas prendre le temps qu’il faut ? Pourquoi ne pas surgir quand bon nous semble, quand il nous semble que le moment est le bon ? Beth Gibbons nous revient avec toute sa sagesse et avec le fruit d’une maturation de dix ans — lumières déchirantes du chœur, rythmes lents, les deuils et les baumes. On attend la leçon de ténèbres pour le printemps : Lives Outgrown, son nouvel album, sortira le 17 mai. PN
4. The Reed Conservation Society, Le Tamis (Violette Records)
Premier album en français après trois EPs anglophones, La Société de Préservation du Roseau apparaît comme une tentative très aboutie pour transposer, sans les copier ni les dénaturer, toutes les plus hautes exigences du songwriting anglo-saxon dans un contexte différent : plus proche, de la langue mais aussi du cœur. MG
5. Mathilde, Rêve de Gloire (autoproduction)
Le premier extrait de la collaboration entre l’autrice/interprète Mathilde Coquenlorge et le réalisateur Fred Fortuny nous plonge dans le son westcoast de la Californie du début des années 1980, entre Steely Dan et Diane Tell. MG
6. Klaus Johann Grobe, Try (Trouble In Mind)
Six ans sans nouvelles du duo suisse, à se demander même si le groupe existait encore, puis un premier titre planant à la fin du mois dernier. Try, leur second titre en écoute, est lui aussi en anglais, contrairement à leurs précédents albums en allemand. Un morceau solaire, dans l’ensemble différent de ce qu’ils faisaient auparavant, mais toujours ce sens de la mélodie et du rythme bien à eux. VDPJ
7. The Lemon Twigs, They Don’t Know How to Fall In Place (Captured Tracks)
Un mois après My Golden Years et en attendant un nouveau disque intitulé A Dream Is All We Know, les frères d’Addario nous font patienter avec leur énième merveille d’affilée, qui s’éloigne un peu de Todd Rundgren et Alex Chilton pour lorgner vers la pop baroque, ce qu’on ne saurait qu’approuver. Pour rappel, et malgré ce cinquième album, ils ont 24 et 26 ans, ce qui confère à l’ensemble une fraîcheur salutaire. PR
8. Ducks Ltd., Hollowed Out (Carpark Records)
Efficacité impeccable et propreté irréprochable, et pourtant je reste interdite devant ce copycat de génie, je ne sais plus à quel étage de liminarité stylistique contemporaine je me trouve. Pourquoi ne pas lâcher l’affaire et rappuyer sur play ? Le nouvel album de Ducks Ltd., Harm’s Way, est sorti le 9 février. PN
9. The BV’s, I Can’t Stand The Rain (Kleine Untergrund Schallplatten & Shelflife Records)
Un quatuor allemand qui vient d’Augsburg, et une irrésistible pop song. CM
10. A. Savage, Black Holes, the Stars and You (Rough Trade Records)
Le membre fondateur de Parquet Courts a dévoilé ce mois-ci un inédit, produit par John Parish et enregistré lors des sessions de son album Several Songs About Fire, paru l’automne dernier. Il en aurait été le meilleur titre. CG
11. Real Estate, Flowers (Domino Records)
Daniel, le sixième album du groupe du New Jersey, offre une indie pop réconfortante et subtile, à défaut d’être révolutionnaire. PR
12. Zenxith, It Isn’t Her (Zenxith Records)
Daniel McGee aka Zenxith a 21 ans, vit à Newcastle, et ce petit prince du DIY enregistre seul dans sa chambre, avec son téléphone, des petites perles de jangle pop. Il vient de sortir un CD, Talk About Prolific, qu’il a bien sûr réalisé tout seul. Well done Daniel. CM
13. Flowertown, The Ring (Paisley Shirt Records)
Nouveau jingle jangle doux comme une feutrine de Flowertown (soit Karina Gill et Mike Ramos), notre ami Xavier Mazure empruntait à Slumber Party le supermot « psychédélicat » pour qualifier leur son d’équilibriste, rien à dire de plus. Tel une anomalie bissextile, Tourist Language sort le 29 février. PN
14. Tapir!, Untitled (Heavenly Recordings/PIAS)
The Pilgrim, Their God and The King Of My Decrepit Mountain réunit les deux premiers EPs de Tapir!, mystérieux collectif londonien qui n’a nul besoin de se montrer ou fournir des explications tant leur musique se suffit à elle-même. PR
15. En Attendant Ana, Magical Lies (Sub Pop Singles Club)
Un février heureux pour tout amoureux du quatuor qui n’en finit plus de monter : après les trois très belles reprises de leur « Lagniappe Sessions » pour Aquarium Drunkard, un 2 titres pour le Singles Club de Sub Pop ! Les chansons gigognes Magical Lies et Teeny Tiny Tyche reprennent le fil de l’écriture libre, déliée, et tellement attachante d’En Attendant Ana. Rendez-vous fin mars au Trabendo. TS
16. Parsnip, The Light (Upset! The Rythm/Anti Fade Records)
Quatre ans de pause pour le quatuor de Melbourne, sûrement dû aux autres projets alléchants qui occupent le temps de ses quatre membres. Après pléthore d’EPs et un album en 2019, les guitares sont toujours très énergiques, la voix et ses chœurs entêtants, le clavier lancinant. VDPJ
17. The Gobs, 13 Tall Boys (autoproduction)
La bande d’Olympia publie un nouveau 8 titres. 13 Tall Boys, 1m37 de réverb’ qui dégueule, de guitares qui lacèrent, de voix d’outre tombe et de synthé bricolé. Le egg punk qui tournait en rond a encore de beaux jours devant lui. VDPJ
18. Basic Shapes, A Quiet Life (Polaks Records & co)
Ils reviennent et ils ne sont pas contents. Le post-punk vénère de Basic Shapes refait mouche avec l’absolument pas quiet A Quiet Life, beau coup de pied au cul à grosses guitares en guise de prélude à leur nouvel album qui arrive le mois prochain. TS
19. DIIV, Brown Paper Bag (Fantasy Records)
Double scoop : DIIV vient d’annoncer son quatrième album *aaah* et pour la première fois, ce ne sera pas chez Captured Tracks *ah ?* mais chez Fantasy Records, label américain vieux de 75 ans qui n’a à-priori rien à voir avec la dream pop-shoegaze de la bande de Zachary Cole Smith. En attendant d’élucider ce mystère, on écoute en boucle ce premier single. CG
20. Opinion, Talking About Yourself (Flippin’ Freaks Records)
La famille bordelaise Flippin’ Freaks a plus d’un membre dans son sac : Opinion présente Horrible, premier album enregistré en une nuit, celle du 31 décembre, où shoegaze joue au bras de fer avec grunge. Résultat ultra saturé, ultra jouissif. TS
21. Johnnie Carwash, Aha (it’s ok) (Howlin Banana Records)
Le trio lyonnais, après avoir enchaîné les concerts sur les routes de France, reviendra fin mars avec un deuxième album, No Friends No Pain. Le premier single, uptempo et ensoleillé, évoque Best Coast, Veronica Falls ou les Vivian Girls. CG
22. Satellite Jockey, Mouvement (Another Record)
Pop idéale à deux voix, échange masculin-féminin, synthèse de chansons d’un ancien temps (soin de la mélodie, des arrangements) et de l’aplomb de la génération actuelle (textes en français fluides, interprétation à l’aise), et ça sonne toujours drôlement bien. RS
23. Vincent Mougel, Tête ailleurs (autoproduction)
Ballade champêtre pour Vincent Mougel qui se fait sa petite comédie musicale mélancolique dans sa tête. Super frais. RS
24. Sr. Chinarro, Exvoto (Eclipse Melodies)
C’est vrai, on ne suit plus avec autant d’assiduité le parcours d’Antonio Luque, alias Sr. Chinarro – dont le premier album, parfait dans sa naïveté, ses imperfections et la reconnaissance de ses influences adolescentes, fête cette année ses trente ans. Comme signe avant-coureur de son… vingtième LP, ce Mark E. Smith hispanique pour sa propension à changer de musiciens au gré de ses lubies et sa volonté de ne pas se répéter offre Exvoto, une surprenante et très belle ballade aux orchestrations et à la mélodie teintées d’une soul soyeuse et romantique – enfin genre, puisque l’homme se jure ici de ne plus tomber amoureux. CB
25. Molly Lewis, Porque te vas (Jagjaguwar)
Siffler n’est pas jouer ? Certainement pas dans le cas de l’Australienne Molly Parker, siffleuse professionnelle qui a métamorphosé cet improbable talent en art à part entière. Repérée par Jagjaguwar, la demoiselle va vite en besogne – on l’entend sur la BO du très populaire Barbie – et après deux EPs, elle signe aujourd’hui un premier album teinté de légèreté et de charme désuet. Parmi les dix chansons qu’on a bien vite sur le bout des lèvres, elle reprend le plus que parfait Porque te vas – interprété il y a quarante ans de voix de maitre par Jeanette pour la BO du grand film de Carlos Saura, Cría Cuervos : alors, sans demander son avis à (son nom est) personne, Molly métamorphose cette ritournelle en un redoutable inédit morriconien. CB
26. Cléa Vincent, Tombé du ciel (Midnight Special)
Cléa Vincent à son meilleur, à son plus simple – en apparence : voix sur lit électronique, palpitant, dansant, fondant. RS
27. Pommade, Les Ouistitis (autoproduction)
La voix singulière de Kevin nous avait bien manqué depuis l’unique chef-d’œuvre de Boost 3000 il y a deux ans. Elle nous revient au top de cette pop synthétique faussement ingénue, légère et arrangée avec style et modernité. RS
28. Gwendoline, Héros national (Born Bad Records)
Les deux jeunes Brestois de Gwendoline ont trouvé la potion miracle pour transformer des ruminations de mauvais soir en hymne à festivals, sans se départir de leur spontanéité et de leur urgence. Chapeau. RS
29. Arab Strap, Bliss (Rock Action Records)
L’album des dudes, le second post-réformation s’intitule I’m totally fine with it 👍 don’t give a fuck anymore 👍. Il est prévu pour le 10 mai prochain et nous aussi on lui met un 👍. EG
30. Pet Shop Boys, Loneliness (x2/Parlophone)
Quarante-trois ans après leurs débuts, Neil Tennant et Chris Lowe continuent à nous émouvoir d’histoires de faux-semblants et de vraie solitude, tout en nous faisant danser la larme à l’œil, comme si nous étions encore d’éternels jeunes gens. PR
31. Guests, Arrangements, As In Making Them (World Of Echo)
Jessica Higgins et Matthew Walkerdine sont basés à Glasgow et balancent un premier disque réussi de twee underground et d’experimentalisme d’avant garde. CM
32. The Smile, Friend of a Friend (XL Recordings)
N’ayant jamais eu, comme certains, de grande phase Radiohead dans ma vie et m’étant peu intéressée aux autres projets de Thom Yorke depuis, j’ai écouté Wall of Eyes, le second album de The Smile, avec des oreilles très candides. J’ai été intriguée du premier au dernier titre, en ai repassé certains plusieurs fois, dont ce sensible, finement arrangé Friend of a Friend. CG
33. Amen Dunes, Purple Land (Sacred Bones Records)
Damon recommence tout depuis le début, il apprend le piano et les outils électroniques, et sort ainsi une belle balade crépusculaire. Purple Land annonce un album créatif et passionnant. VDPJ
34. Aya feat. LOFT, Lip Flip (YCO)
Extrait du nouvel EP de la productrice londonienne. Une bombe post-club, croisant micro-house, bass music et hyperpop. VC
35. Gilles Poizat, Oui Mais (Carton)
La chanson comme performance (on a hâte de voir les concerts), un homme, une trompette et des machines sur des terres inconnues et pourtant si accueillantes, si instinctivement évidentes pour le corps et l’intellect. RS
36. elijah maja, Enemy, Better Lover V2!¡ (WTFOMARI!)
L’anglo-nigérien Elijah Maja chante en anglais et yoruba, mélangeant parfois les deux langues, c’est doux, mélancolique et sensuel. CM
Trop cool cette nouvelle playlist !
Ça serait énorme de pouvoir l’écouter aussi sur bandcamp !
Merci ! Bisous !