LA PLAYLIST DES NOUVEAUTÉS D’AVRIL 2025

On a forcément envie, le jour où l’on va enterrer une salle de plus (L’International à Paris, qui ferme ce soir), de célébrer le travail assidu de Tom Picton (également label manager de Howlin’ Banana Records, l’un des meilleurs labels rock actuels en France) et Rémi Laffitte (récemment aux commandes de Futur Parlé, fanzine qui posait justement la question « C’est quoi l’Indé ? » dans son premier numéro). Pendant quelques années, avec une équipe motivée, ils ont fait jouer la majeure partie des groupes et artistes de la scène indé locale et internationale. Un travail de fond, de passionnés, qui va sérieusement manquer dans ce paysage parisien en pleine déconfiture. On vous en parlait dans un article récent, trois bars et/ou salles de concert ferment ce printemps. C’est certes dans l’ordre naturel des choses, mais la situation est fragile, et absolument pas soutenue par ceux qui pourraient les aider à ne pas fermer. Une scène qui prouve pourtant chaque mois à travers cette playlist qu’elle a besoin de programmateurs pour les faire jouer, de lieux où ils peuvent s’exprimer sur scène. Et d’un public plus que jamais motivé, qui soutient les initiatives et les salles encore en place. (TS)

Écoutez cette playlist sur votre plateforme favorite : YouTube, Deezer, Spotify, et dès demain dimanche en playlist mixée sur Soundcloud.
NDLR : les playlists créées sur certaines plateformes ne comportent pas l’intégralité des titres de la sélection commentée ci-dessous.

1. Black Country, New Road, Besties (Ninja Tune)

Je me suis demandée pourquoi j’aimais tant le nouveau BCNR alors que j’avais toujours été tant réfractaire au son de ce que je considérais n’être qu’une fanfare dispersée de jeunes Londoniens. J’ai appris qu’Isaac Wood, le chanteur principal, avait quitté le groupe, laissant le trio Tyler Hyde – Georgia Ellery – May Kershaw assurer le chant et la plupart du travail de composition. A propos du nouvel album, Ellery explique : « C’est très différent de Ants From Up There [le précédent album, paru en 2022] en raison de la perspective féminine – et la musique que nous avons créée va aussi en ce sens ». Cela n’a en effet plus rien à voir : à la fois folklorique et sensible, baroque et lumineux, Forever Howlong est empli de douceur et de beauté, et c’est la plus belle surprise de l’année. CG

2. caroline feat. Caroline Polachek, Tell me I never knew that (Rough Trade)

Après le sublime caroline paru en 2022, le groupe du même nom annonçait le mois dernier caroline 2. Pour le deuxième extrait de cet album à venir, l’invitée n’est autre que la queen… Caroline Polachek. En écrivant les premières lignes de ce titre, les Londoniens auraient pensé, comme une blague et sans jamais y croire : « Cela sonne comme une mélodie que Caroline Polachek pourrait chanter ». Un an plus tard, la chanson à moitié finie envoyée, l’intéressée disait « oui ». CG

3. Tryphème, Outsider (Slowride Records)

Un extrait de l’album de Tiphaine Belin, Slowride, qui paraîtra le 16 mai – chanson qui colle immédiatement à la peau, hâte d’écouter la suite. CM

4. Moin feat. Sophia Al-Maria et Ben Vince, Outsider (AD93)

La dimension introspective et la tension spoken-word que Sophia Al-Maria apporte aux compositions des hyperactifs londoniens de Moin confirment que chaque morceau sur lequel elle collabore figure parmi les meilleurs du groupe. VH

5. untitled (halo), doomcomplex (American Death Records)

Si le titre qui ouvre ce split avec Voyeur rappelle (vraiment) les ballades de Sonic Youth chantées par Kim Gordon, c’est bien ce cadeau offert par les cool kids angelins de untitled (halo) qui retiendra mon attention ce mois-ci. Une chanson fragile, groovy et délicate, aux deux timbres dreamy. VH

6. Teenage Bed, Again (Pale Figure Records)

La voix prenante de Nathan [Leproust] et cette mélodie infiniment belle et mélancolique. CM

7. Sufjan Stevens, Mystery of Love (demo) (Asthmatic Kitty Records)

A l’occasion des dix ans du plus bel album de la décennie 2010 (oui), Sufjan Stevens publiait ce mois-ci une réédition de Carrie & Lowell augmentée de sept titres inédits, dont la version démo de ce titre rendu célèbre pas le film Call Me by Your Name. CG

8. Anna St. Louis, Glisten (Rough Take) (autoproduction)

La chanteuse folk américaine, membre du label et de la scène Woodsist, dévoile Home Recordings, un EP de démos et d’instrumentaux qu’elle compare à « un journal, ou un carnet de croquis ». Ce duo guitare-voix de clôture en est peut-être le plus beau moment. CG

9. Lana Del Rey, Henry, Come On (Polydor)

Lana, sans fard. La Reine de la lascivité absolue revient avec le premier extrait d’un nouvel album maintes fois annoncé et autant de fois repoussé – il devrait voir le jour à la fin de l’été. Si Henry, Come On donne le ton, c’est sans doute la date parfaite tant les arpèges de guitare et la voix caressante de la dame blessent nos cœurs de langueur monotone… CB

10. Alice Phoebe Lou, You and I (Nettwerk Music Group)

A propos de son album à venir, la chanteuse sud-africaine expatriée à Berlin raconte : « J’ai puisé dans mes archives de chansons inachevées pour façonner cet album simple et sincère de compositions dépouillées. » Comme souvent lorsque les artistes vont à l’essentiel, ce titre est ce qu’Alice Phoebe Lou a fait de plus beau. On pense à Jessica Pratt. CG

11. Miki Berenyi Trio, Kinch (Bella Union)

Quatrième extrait de Tripla, le nouvel album du Miki Berenyi Trio, qui n’en finit pas de démontrer qu’il n’y a aucune nostalgie nauséabonde lorsque le talent, l’émotion et le propos ne tarissent pas. Kinch est un titre magnifique, servi par une vidéo qui l’est tout autant, réalisée par Sébastien Faits-Divers, qui nous parle d’amour et de deuil avec une délicatesse infinie. Notons aussi en dernière minute la sortie de Strangers avec Lol Tolhurst (et son fils Gray), qui ouvrira pour le trio sur les dates françaises de la tournée, le 28 avril au Grillen à Colmar, le 29 avril au FGO Barbara à Paris et le 30 avril à l’Aeronef de Lille. PR

12. Anika, Oxygen (Sacred Bones Records)

Une chanson de l’album Abyss, inspirée selon Anika par les Breeders et les Pixies. « I didn’t want to write things too rigidly, or by the book, more let them flow as they wished. » – c’est réussi. CM

13. Myles Manley, Di Fontaines (autoproduction)

Le Dublinois désormais installé à Baltimore vient de sortit un triptyque musical consacré à l’Irlande et il marie comme toujours ironie et élégance dans ses chansons pop très classes. CM

14. Stereolab, Aerial Troubles (Warp Records/Duophonic UHF)

Au début du mois, les fans avaient reçu un mystérieux 45 tours, comme à la grande époque, et l’annonce du concert du 4 juin au Trianon (complet) avait fait osciller les cœurs. Aerial Troubles accompagnera le retour de la lumière dans un monde toujours plus sombre. Aussi moderne que pop et intelligent qu’irrésistible, ce titre surprise de Stereolab ravira autant les fidèles du groupe que les jeunes générations, qui ne manqueront pas de se réjouir de la sortie de Instant Holograms On Metal Film, premier album du groupe depuis quinze ans. Les maîtres du rétrofuturisme sont sans âge, et font toujours preuve de la même exigence, y compris pour ce somptueux vidéoclip réalisé par Laurent Askienazy. Il reste des places pour les concerts du 3 juin à Nantes (Stereolux), du 5 juin à Bordeaux (Rock School Barbey), et du 9 juin à Grenoble (La Belle Electrique). PR

15. Vincent Delerm, Plusieurs (Tôt ou Tard)

La plupart du temps, c’est un peu comme ça avec Vincent Delerm : on le déteste ou on l’adore – et peut-être pour les mêmes raisons… Pas de juste milieu. Mais le plus important, c’est que depuis Les Amants Parallèles (2013), le garçon réalise des disques et des chansons qui, sur fond de listes Haute Fidélité, érigent en manifeste la mélancolie joyeuse et où l’on comprend assez vite qu’on est en effet souvent « plusieurs à se faire transpercer le cœur ». Et, portée par une basse élastique et un piano-ritournelle (le temps d’une production juvénile mais atemporelle), l’une des deux chansons qui annonce le nouvel album La Fresque ne déroge pas à cette règle d’or. Touché. CB

16. Leo Blomov et Laure Briard, Uma Canção Francesa (Tricatel)

Petite merveille MPB/soft rock en portugais par deux Français ! On pense à Mild High Club ou Tagua Tagua, vraiment très joli et réussi. AGF

17. Triptides, More Than a Friend (Label 51)

Triptides, sans crier gare, continue de proposer des merveilles pop comme ce More Than a Friend, un pied dans la pop psychédélique et l’autre dans un soft rock groovy. Très délicat et réussi. AGF

18. Holy Wave, Father’s Prayer (Suicide Squeeze)

La bande d’Austin nous fait cadeau de Studio 22 Singles and B-Sides, un EP de sept titres enregistré à Los Angeles juste après le confinement. Il s’agit donc d’une collection de singles parus au cours de ces deux dernières années, agrémentés de deux inédits dont ce Father’s Prayer dans lequel les guitares sont exceptionnellement remisées au profit des synthés. CG

19. Young Gun Silver Fox, Late Night Last Train (Candelion )

Nouvel extrait du prochain album du duo anglo-américain Young Gun Silver Fox. Les deux musiciens ne dévient pas de leur cheminement soft rock. C’est superbement fait avec un pont somptueux. AGF

20. Loaded Honey, Don’t Speak (Cyaola Records/AWAL Recordings)

Titre charmant qui rappelle autant The Avalanches que le son de Philadelphie, écouté complètement par hasard. Derrière Loaded Honey se cachent Lydia Kitto et J. Lloyd de Jungle, qui avaient besoin d’un autre vaisseau pour exprimer leur créativité. A voir ce que cela peut donner sur la durée d’un album, ce sera chose faite le 6 juin avec la parution de Love Made Trees. PR

21. Rémi Klein, Marguerita (Tricatel)

Un des membres de LORD$ revient en solo, toujours chez Tricatel. Il y a un air de famille, en plus pop/soft-rock. On pense plus à Rupert Holmes qu’à Steely Dan mais on est curieux d’entendre l’album ! Joli travail harmonique. AGF

22. Original Folks, Elementary (Broken Obstacles Records)

Les habitués de la RPM canal historique et de ce webzine savent déjà que je pourrais noircir plusieurs pages pour évoquer le talent du grand Jacques Speyser, qui préside à la destinée d’Original Folks, groupe strasbourgeois porté disparu depuis environ une décennie. Heureusement, avant de tirer le rideau, il avait laissé derrière lui deux albums d’une splendeur inusable. Aujourd’hui, il revient donc – avec un split-album partagé avec les tout aussi prodigieux Solaris Great Confusion (nous y reviendrons) – et donne l’impression d’être parti la veille. Car le temps n’a visiblement pas d’emprise sur les talents de songwriter dudit Speyser qui signe avec Elementary une pop song d’une évidence parfaite. À écouter en boucle sous un soleil printanier. CB

23. The Divine Comedy, Achilles (Divine Comedy Records Limited)

Nul retour pour le Neil, qui n’est jamais parti, lui, mais un nouveau titre suffisamment réussi pour nous donner envie de boire du thé en regardant par la fenêtre à l’automne au son de Rainy Sunday Afternoon, nouvel album attendu pour le 19 septembre. C’est littéraire – inspiré d’un poème de Patrik Shaw-Stewart évoquant la crainte de partir au front à Gallipoli en 1915 –, mélancolique et beau, quelque part entre Ennio Morricone et, comme souvent, Scott Walker. PR

24. The Bats, Loline (Flying Nun Records)

On arrive à peine à le croire, mais les merveilleux néo-zélandais sont encore là et semblent avoir été préservés par un élixir de jouvence. Réentendre les lignes de basse somptueuses de Paul Kean en parfaite osmose avec la batterie métronomique de Malcolm Grant, et l’accord magique des voix de Kaye Woodward et Robert Scott, sans parler des parties de guitares lead sidérantes de Kaye, ça fait quelque chose ! BF

25. Action Painting!, The Effortless Boredom of the Southern Modette (Old Bad Habits Label)

OBH021EP – Scatterflats EP de Action Painting!

Un titre magique du mythique groupe anglais d’indie pop mené par Andrew Hitchcock, qui n’avait pas sorti de disque sous cet étendard depuis trente ans ! BF

26. The Number Ones, Sorry (Static Shock Records)

Un bon vieux tube immédiat de power pop par le quatuor irlandais sur le retour, avec des vibrations à la Undertones, Protex et The Homosexuals. BF

27. Lightheaded, Same Drop (Slumberland Records)

Un petit bijou qui ravira les nostalgiques de The Ailsers Set, concocté avec grand soin par le quintette du New Jersey. De la bien belle ouvrage, qui montre que le filon twee semble inépuisable. BF

28. Juan Wauters, If It’s Not Luv (Captured Tracks)

D’aucun diront que Juan Wauters, ex-leader des indispensables Beets est quelque peu parti en sucette depuis ses premiers très bons premiers disques solo. Mais un peu de folie et de légèreté de fera pas de mal en ce mois d’avril encore un peu frais. BF

29. Lùlù, Pugni in Tasca (Howlin’ Banana)

Décidément, les Français aiment désormais chanter dans d’autres langues que l’anglais (et le français). Si Léo Blomov regarde du coté du Brésil, Lùlù se passionne pour nos voisins transalpins pour ce titre powerpop énergique et très attachant ! AGF

30. Lemon Rose, Bring Your Bone (Les Disques du Paradis)

Le groupe le plus mod de Bordeaux revient aux choses sérieuses avec un nouveau titre très vintage et fort bien fichu ! AGF

31. Jon Spencer, Come On! (Shove Records)

Jon Spencer, malgré l’absence de ses anciens acolytes du Blues Explosion n’avait pas tenu une pareille forme depuis des années. Come On! commence par un début digne de meilleur des Cramps et évolue vers un groove plus incendiaire que jamais, donnant des envies de danser frénétiquement en levant les bras au ciel. BF

32. Pain Magazine, Violent God (Humus Records)

Un nouveau projet émanant de groupes post-hardcore et techno indus – ça tape fort et ça fait du bien. CM

33. Gabriel Afathi, Fix What’s Broken (Brume Records)

Nouveau projet de Gabriel Afathi, membre des ex The George Kaplan Conspiracy avec un premier single cathartique pour rappeler « qu’après la pluie vient le beau temps ». CM

34. Six and Seven, Spirit of St Louis (December Square)

Voici le deuxième extrait qui annonce la sortie de Here Comes The Man With The Gun, nouveau chapitre des aventures musicales et mélodiques d’Emmanuel Tellier. Commencé comme un « presque disque solo », il est le résultat d’une odyssée géographique (Los Angeles – Bruxelles – Cournon d’Auvergne – Tours), de rencontres et de la volonté de concrétiser des idées un peu plus folles que d’ordinaire. Douzième album d’une discographie à la fois plurielle et singulière, il se dévoile déjà comme le plus beau disque de son auteur, un disque où l’on croise le fantôme d’Arthur Lee et l’ombre de Brian Wilson, où l’on retrouve cette mélancolie bleue qui met à chaque fois le cœur à l’envers… Comme sur Spirit of St Louis, chanson en apesanteur qui débute comme un morceau d’Alpha (celui de Come from Heaven) pour mieux prendre les accents d’un Dexys désabusé. Ce qui rime, vous l’avez déjà compris, avec beauté. CB

Laisser un commentaire

Votre adresse de messagerie ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *