Julien Chang, Jules (Transgressive)

Parfois la découverte d’un disque passe par un innocent e-mail de la (ou du) RP en charge de la promotion d’un disque, en l’occurrence ici, pour Jules de Julien Chang. Pas forcément un message personnalisé d’ailleurs, un simple nom cité en vrac dans une liste d’inspirations pique la curiosité du pigiste. Entre deux forfanteries sur le nombre de vue sur youtube du clip ou des extraits de la chronique dans Pitchfork, nous croisons une description éveillant un soupçon d’intérêt, souvent par sa simplicité et son honnêteté. Comment ne pas être interpellé par : « ses influences se situent aussi bien du côté de Georges Martin que de Quincy Jones et Dr Dre ? »

Sur le papier, pour être tout à fait franc, j’avais un peu du mal à imaginer le truc. Que fais-tu, cher Julien Chang ? Comment arrives-tu à faire le pont entre trois personnalités aussi éloignées ?  Une vidéo YouTube plus tard, j’étais franchement sous le charme. Il y a toujours un moment de flottement entre l’instant où une chanson démarre pour la première fois et le moment où nous savons qu’elle nous plaît. L’écoute distraite et blasée se transforme en une montée progressive d’emballement, l’arrivée du refrain est scrutée avec attention en priant qu’il confirme notre secret espoir d’avoir à faire à une bonne chanson. C’est le cas avec Memory Loss, l’Américain de Baltimore tient quelque chose qui ressemble à un tube. Pour faire la fine bouche, la composition aurait gagné à prendre du muscle avec un mixage plus charnu et ainsi maximiser le potentiel addictif de l’ensemble. Peu importe, le musicien étasunien développe une scie pop funky aux accents eighties (la boîte à rythmes, les accords type brass de Juno). Au deux tiers de la chanson, une mélodie d’obédience Quincy (période Back on the Block), soulignant d’aventureux changements d’accords, finit d’inscrire le musicien dans cette flatteuse filiation.

Dans la foulée, je consulte la biographie, histoire d’en tirer quelques informations et de vous les livrer ici même. En vrac : Jules, premier album de Julien Chang sort sur le label anglais indépendant Transgressive (Sophie, Let’s Eat Grandma, Alvvays entres autres). Surtout, le musicien est sacrément jeune : il a dix neuf ans et a composé le disque ces deux dernières années en secret et presque totale autarcie. Le disque hérite de cette juvénile fougue ; il part dans de nombreuses directions et manque parfois du petit supplément de cohérence qui font les grands disques. Jules confirme pourtant les appétences et le talent éblouissant de Julien Chang. L’emphase du vocable est volontaire. Le propos surprend par son étonnante maîtrise sans pourtant sombrer dans la démonstration gratuite. L’album semble s’inscrire aisément dans l’histoire de la musique pop, convoquant du beau monde, depuis les Beatles (Butterflies From Monaco) jusqu’à Tame Impala. Deep Green évoque en effet un inédit du musicien australien faisant le bœuf avec Unknown Mortal Orchestra. Julien Chang semble aussi avoir pas mal poncé les disques de Supertramp de la collection de ses darons. Les sonorités douces de clavier convoquant le Wurlitzer des Britanniques sont omniprésentes. Elles constituent un filigrane de la première partie de l’album. Jules propose un second presque-tube, la très réussie et funky comme il se doit Of The Past. Le solo de piano de la chanson détonne par sa longueur et l’audace de sa simple présence. Sur la seconde moitié, un chouïa plus faible, malgré Memory Loss, la guitare acoustique nous plonge dans une certaine léthargie, pas désagréable (A Day or Two). La fin, un peu moins aboutie, n’entache cependant pas d’un disque fort attachant à la fois en marge des modes et tout à fait contemporain dans sa capacité à manier les références sans trop les marquer à la culotte.

 

Julien Chang jouera Mercredi 30 octobre 2019 à la soirée d’ouverture du festival Pitchfork Paris au Supersonic, organisé en collaboration avec Les Inrockuptibles. Event ici.

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