Bien sûr, je ne savais pas du tout, lors de ces vacances de Pâques du début des années 1970, que la mélodie que je chantais à tue-tête dans les couloirs d’un hôtel d’Itxassou vers les six heures du matin, au grand désarroi de ma mère, était de lui… Mais forcément, ce doit être le genre d’expérience qui marque – sans tout expliquer, n’exagérons rien –, même s’il s’agissait d’une version française que j’avais d’ailleurs moi-même adaptée : “Toute la pluie tombe sur moi / Mais moi, je ne m’en fais pas…” (vous pouvez vérifier, ce ne sont pas les paroles que chante Sacha Distel dans la chanson parue en 1970).
Bien sûr, je ne sais pas du tout quand j’ai fait le rapprochement avec la version originale, Raindrops Keep Falling On My Head, interprétée par BJ Thomas dans ce western de 1969, Butch Cassidy Et Le Kid, avec Paul Newman et Robert Redford en vedettes – et pourtant, je suis certain de l’avoir vu enfant ou au moins jeune adolescent. Mais je sais alors que depuis quelque temps déjà, je me suis pris d’une passion un peu déraisonnable pour les compositions de Burt Bacharach. Depuis qu’un soir du tout début des années 1990, dans une maison londonienne de Herne Hill Road, l’un des locataires a posé sur la platine vinyle The Look Of Love interprétée par Dusty Springfield – qui comme chacun sait est proche d’être la plus belle chanson de tous les temps (mais c’est une autre histoire). Très précisément à cette époque-là, comme il l’a pu être au début de la décennie précédente – demandez donc à The Pale Fountains, The Smiths, Everything But The Girl, The Apartments, Frankie Goes To Hollywood, les dissidents de The Human League et consorts –, Bacharach va (re)devenir cool, sacré à juste titre comme l’un des plus compositeurs de l’histoire, cité dans les interviews (celles de Saint Etienne puis d’Alpha en tête), repris par Oasis et Noel Gallagher alors au sommet de leur gloire tandis que certaines de ses anciennes compositions retrouvent le chemin des salles obscures.
Ce matin, pour commencer la journée, j’ai hésité entre deux disques. Un album de Joy Division, dont la musique résonnerait presque comme la bande-son idéale de ce quotidien qui tourne en boucle – dense, oppressante, inquiétante – ou un disque de Burt… J’ai finalement opté pour ce dernier en me souvenant que, lorsque Thomas a lancé l’idée d’élaborer des playlists pour Section26, je crois que ce fut ma première idée : réunir 26 chansons de Bacharach (la plupart aux paroles signées par feu Hal David, son complice de presque toujours), immortalisées par quelques-un(e)s de ses interprètes historiques (Dusty et Dionne en tête, bien sûr) ou jouées dans des versions un peu moins « classiques ». Pourquoi ? Sans doute parce que la musique de ce compositeur à l’élégance jamais prise en défaut est justement tout ce dont on a besoin par les temps qui courent (sic) : une certaine légèreté, une apparente insouciance, une beauté éternelle – oui, même lorsque les Stranglers s’emparent de Walk On By. Parce que c’est exactement la musique qui donne envie de croire que tout finira bien.