La limite. Où et comment poser une limite ? Où et comment définir un « plaisir coupable » ? Un plaisir coupable, ça pourrait être par exemple choisir de ne pas juger certaines icônes malgré la merde qu’ils font (je pense à Michel H ou John Lydon, pas à Morrissey), ça peut être un morceau top concon mièvre mais en fait glorieux qui te prend par les entrailles à chaque fois, au hasard Woman In Love de Barbra Streisand, cette intro crénom, même la version de Mireille me fout les poils, celle de Lisa Li Lund, je vous raconte même pas.
J’en vois des, qui n’assument pas vraiment leurs infatuations adolescentes au Heavy Metal. Ne me cherchez même pas sur WASP, Mötley Crüe (que les deux premiers, hein, le troisième à l’extrême rigueur) ou Dio, je suis encore capable de bouger la tête et de pleurer d’une vraie émotion si par malheur j’avais le goût de cette nostalgie-là. Définir la limite est donc un truc infiniment casse gueule et en fait, chacun sa merde.
Pour ma part, franchir la limite c’est sortir de ses gonds. Aller vers le mal absolu. Et pour moi le mal absolu, c’est U2. U2 c’est le pire. The Great(est) Rock’n’roll Swindle. De la chiasse en barre. Bono est tellement un leader d’opinion, un mec toujours dans le bien, la générosité et l’empathie personnifiée, que la simple idée du fascisme en Europe est probablement écartée pour toujours.
Bravo mon gars, bien joué.
Des connards multimillionnaires qui se targuent de faire le bien tout en ayant mis en place un redoutable système d’optimisation fiscale*. Je pourrais, des heures durant défoncer ces enfants de salauds, J’ai du stock. Mais du coup, autant y aller j’ai quelques raisons de ne pas vouloir tout à fait faire passer par les armes ces gitans de kermesse le jour où j’en aurais le pouvoir. Je déteste pourtant ces types du plus profond de mes tripes.
Et pendant longtemps j’ai fait semblant. Dans les années 80 qui ont vu fleurir ma piteuse adolescence, je n’avais guère le choix. Faute de place voire d’espace, les choix se font plus tard. Tu as donc des amis avec qui tu swappe des K7, tu leur files des copies des albums de Cure, The Cramps, Gun Club, The Smiths ou de New Order, ils se sentent honorés ou s’en branlent mais n’ont à te proposer à l’échange que Dire Straits, Midnight Oil ou U2. Ce qui ne veut pas dire que ce ne sont pas de bons camarades, vous parlez d’autres choses, de filles, du bahut, la routine. Mais au niveau de la musique, c’est plié. Ils sont dans le mainstream mais croient écouter du rock. Ils finiront banquier, assureurs, ils n’iront jamais contre ou à l’encontre de quoi que ce soit. Le mainstream qui à force de grandes chansons et de popstars réelles (Madonna, Eminem, TLC, Destiny’s Child, Kylie, Lady Gaga, Lana Del Rey) fera dudit « plaisir coupable » une absurdité totale. Alors oui, j’ai fait semblant, j’ai subi ce groupe de merde, j’ai fait semblant d’aimer, je n’avais pas encore le choix.
J’ai commencé une uchronie un peu couillonne il n’y a pas si longtemps. C’est Bono qui sort de son taf (directeur d’Oxfam Dublin, grande banlieue) et qui va au pub et qui essaie de raconter comment qu’il a trop cru que sa carrière musicale allait débuter. L’élément perturbateur c’est qu’en fait Ian Curtis a oublié de se suicider et que Joy Division est devenu New Order, mais continue de s’appeler Joy Division. C’est le plus grand groupe anglais au monde. U2 malgré trois albums assez gauches avec des chansons assez laides quoique parfois efficaces s’est vu rendre son contrat par Island. Ils ont repris une vie civile et plus personne ne se souvient d’eux. Il aurait mieux fait d’acheter un âne. J’avais été traumatisé par cette réponse de Peter Hook dans Rapido à l’époque de Technique. Si Ian n’était pas mort nous serions aujourd’hui aussi gros que U2. J’avais très mal digéré la comparaison. Mais je vois l’idée. Mais jamais Ian Curtis avec un putain de Mullet.
Même le jour où j’ai acheté War en CD dans une boutique d’occasion** parce qu’il était quasiment offert (moins de 50 francs de l’époque, j’ignore encore pourquoi j’ai fait ça nonobstant) j’ai toujours, je crois profondément détesté ce groupe, viscéralement, musicalement et philosophiquement. D’où mon/mes ignobles plaisirs coupables qui sont au nombre des balles que je retirerais des barillets du peloton le jour où.
Ce ne sont presque jamais des morceaux de U2, mais des merveilles que ces gens ont commis, probablement dans un état second, pour d’autres. Parce qu’en dehors de tout ce que j’ai dit sans trop argumenter (ça mérite peu) ces raclures de bidets ont tout de même fait un peu de musique.
Pour commencer sur l’album Mistery Girl de Roy Orbison (1989).
Après une vie de malheur, le caruso du Rock ne méritait pas ça et pourtant. Ce n’est même pas le meilleur titre de cette merveille drivée par Jeff Lynne et Tom Petty, qui font alors les malins sous le nom de Travelling Wilburys avec Robert Zimmerman, George Harrison*** et quelques autres aimables zouaves, l’on peut largement lui préférer You Got It, single phénoménal, intouchable et qui me fera danser et pleurer bien au-delà de l’au-delà. In The Real World qui commence comme du folk et malgré une reverb assez pesante pourrait rejoindre les hauteurs de ses albums Monument. California Blue, même remarque. Mais She’s A Mistery To Me est composé par The Edge et Bono. Nous l’écoutons.
Puis nous écoutons Patchwork des Tindersticks, autre merveille absolue.
… dont j’ai toujours préféré la version originelle sur le 7 » Tippy Toe (ok Bertrand)
Bref, on ne va pas se mentir, c’est une chanson ex-cep-tion-nelle.
On souffle un peu, il y a trop d’émotions, et comme dirait Jacques Toubon fouyaya
Ben d’ailleurs puisqu’on en parle…
Le génie qu’il a fallu au vieux sachem et à Rick Rubin pour transformer cette merde en grande chanson, il y a des paragraphes avec notes en bas de pages et aussi des baffes qui se perdent. Et en fait, même si ça annonce Coldplay, Travis et toutes ces merdes de dors-en-chiant (et un peu Wonderwall aussi, si je veux taquiner) il y’a une prod assez peu vulgaire, même si on dirait du Skyr à rien.
Gros morceau ensuite avec l’album Original Soundtracks 1 des Passengers avec Brian Eno.
Brian Eno a fait des choix, il aurait pu produire The Cure (l’idée lui aurait été suggérée) il a préféré les irlandais. Cela ruine un peu (mais pas totalement, elle reste immense) la considération que j’ai pour ce génie absolu. L’album des Passengers sort au plus fort de ce moment un peu foufou où tout le monde, au nom du trip hop fait un peu n’imp’. D’ailleurs sur l’album des Passengers il y a aussi Howie B et Luciano Pavarotti. Dans le Melody Maker le 28 octobre 1995, David Stubbs trouve l’album « excellent, sans doute le meilleur album auquel le nom de U2 a été lié ». Il ajoute : « Si U2 voulait vraiment faire plus que se maintenir en tant qu’énorme affaire monolithique, il déconcerterait son public avec ce genre de choses au lieu de brailler ses boursouflures habituelles ». Je l’écoute au moins une fois tous les cinq ans, c’est dire s’il est cher à mon cœur. Si vous avez encore une platine CD je pense qu’il doit coter dans les moins de deuzheuros chez Boulinier. Ne vous privez surtout pas.
C’est tout ?
Non, à mon grand dam j’ai un vrai morceau de U2 que je ne déteste pas tout à fait.
Alors que tout le monde se pignolait sur les hits de The Joshua Tree (1985)**** j’étais plutôt dans la team The Head On The Door (meilleur look, meilleures chansons), je ne vous apprend rien. Cela dit, Boulette le ciel azuré, c’est pas mal, il y a aussi Exit, beaucoup moins bien, un peu raté mais pas si mal, sur le disque. C’est un peu bourrin (pléonasme pour les irlandais) mais c’est au moins parfaitement assumé, la guerre au Nicaragua a bon dos, mais c’est leur moins pire morceau. Un peu Led Zep, un peu Hendrix et pour une fois, niveau tension pas loin de Joy Division (ils auront mis 5 albums, quand même). Et pour la rythmique basse/ batterie une annonciation : celle du meilleur morceau de Nirvana de tous le temps.
Ce qui ne fera absolument jamais et en aucun cas de U2 un groupe (s)kool*****. Pourtant je ne fumais que ça à l’époque.
* tu m’as beaucoup déçu, Nono Gallagh’ le jour où tu as frayé avec ces merdes, mais bon, comme aurait dit Sarkozy, je ne suis pas Irlandais **voyez comme je me fous à poil devant vous là, sérieux ? *** son album Time Takes Time (1992) mérite également toute votre attention distraite **** Avec ou sans toi, vraiment ? Quelle plus belle définition de la pornographie. ***** leur performance à Live Aid reste le meilleur truc qu’un pauvre groupe de balloche avec une hygiène déplorable n’ait jamais accompli check https://www.youtube.com/watch?v=HvBgRSSlVBA