Ce n’est pas tous les jours qu’on voit les Spacemen 3 à la télévision. Et pourtant, cela arrivera avec la diffusion probable et prochaine de Cosmic Trip, la musique à la conquête de l’espace sur une chaîne culturelle franco-allemande bien connue. En attendant, cette somme imposante mise en forme et composée par Christophe Conte (ex-Inrocks, Libération) et Gaëtan Chataigner (The Little Rabbits, les clips de Katerine et un peu plus que ça…) est à découvrir en avant-première dans le cadre de cette nouvelle édition du FAME.
Comment la fascination de l’espace a défini un refuge pour la créativité d’artistes parmi les plus importants du XXe siècle et comment, Diable, y croiserons nous alors le chemin de Sonic Boom (Spacemen 3, Spectrum) et Jason Pierce (Spiritualized) ? On soupçonne fortement un ancien collaborateur de la RPM de l’avoir suggéré et ce n’est pas le dernier de la somme notable des intervenants à étayer de leurs commentaires avisés les nombreux extraits musicaux. Pour une fois qu’on entend vraiment de la musique dans un documentaire musical, on ne s’en plaindra pas…. De l’expert anglais David Stubbs aux spécialistes du cru Pascal Bussy ou Joseph Ghosn*, ce n’est pas tant la connaissance qui s’exprime mais une sensibilité profonde, sensible et instruite qui illustre une odyssée captivante étayée par le témoignage et l’engagement d’une série de musiciens triés sur le volet. Jugez plutôt : Tim Gane et Laetitia Sadier (Stereolab), Tim Blake (Hawkwind, Gong), Jean-Michel Jarre qui, quoi qu’on en pense, fut la passerelle pour beaucoup entre le monde d’avant et le futur, Jean-Benoit Dunkel (Air) et le camarade Etienne Jaumet (Zombie Zombie) complétant le panel rigoureux des spécialistes de la question.
D’une chronologie ludique et passionnante, allant de Gustav Holst à Flying Lotus en passant par bien plus de cinquante ans de musiques exigeantes et/ou populaires dont le parangon reste surement Kraftwerk, on navigue dans des disques adorés (Can, Hawkwind, Sun Ra, Beach Boys, Byrds et le Pink Floyd de Syd Barrett) avec une narration qui ne prend jamais, une fois n’est pas coutume, le téléspectateur pour du corned beef. Une des trop rares tentatives (réussie, pour le coup) de vulgarisation dans le sens noble du terme, qui donne une multitude de pistes aux béotiens sans jamais froisser les amateurs éclairés qui n’apprendront certes rien, mais ne s’en régaleront pas moins. C’est suffisamment rare pour être doublement souligné.
De Jean-Jacques Perrey à Daft Punk, de Delia Derbyshire aux Silver Apples en passant par Joe Meek, Magma, Bowie ou Tangerine Dream, le fait est là : la fascination pour l’espace est un canevas vierge laissant l’imagination faire le reste, car le cosmos est une terre inconnue, infinie et surtout silencieuse. Chacun est donc libre d’y faire ce qu’il veut, d’y projeter espoirs, colères, consolations et frustrations, d’y trouver surtout une liberté contestée par l’oppression environnante. Que ce soit Sun Ra, Parliament, soit l’afro futurisme rencontrant la rigueur rythmique germanique de Kraftwerk pour donner naissance au hip hop puis à la techno de Detroit, ou la démarche tonitruante, libertaire et butée d’un groupe comme Hawkwind dont tous les acteurs du Punk et du Post Punk ou presque furent des fans avertis, SPACE IS THE PLACE.
*salut
