En Attendant Ana avait fait forte impression avec leur premier disque Lost and Found en 2018. Publié par deux labels français, Buddy Records et Montagne Sacrée, l’album avait été réédité par la suite par la structure chicagoane Trouble In Mind, connue notamment pour avoir hébergé Jacco Gardner, les Limiñanas ou Morgan Delt. Ce Debut LP offrait une des plus belles démonstrations d’indie-pop entendues en France ces dernières années, un équilibre parfait entre les mélodies et l’énergie. Les Franciliens reviennent deux ans plus tard avec Juillet, toujours sur le même label.
Aborder le virage si difficile du deuxième album n’est pas une mince affaire. En Attendant Ana a certainement pris la plus judicieuse décision en ne proposant pas une copie carbone du premier. Juillet est un disque de transition entre deux identités, et le line-up n’est également plus tout à fait le même. Le départ du guitariste Romain Meaulard, parti fonder Pop Crimes, a été remplacé par Maxence Tomasso (d’Entracte Twist), et cela modifie la dynamique musicale de la formation. D’indie-pop canaille et post-adolescente façon Pastels ou Pains of Being Pure At Heart, le groupe s’éprend à présent de pop érudite et arrangée plus proche (en plus musclée néanmoins) de Stereolab, voire Arcade Fire. Exit les guitares à toute berzingue, qui amenaient un coté garage sauvage. L’instrumentation est plus équilibrée, parfait écrin pour la magnifique voix de Margaux Bouchaudon. Et nous n’avons jamais aussi bien entendu les claviers et la trompette de Camille Fréchou chez En Attendant Ana. Mentionnons également la section rythmique d’Antoine Vaugelade et Adrien Pollin, toujours impeccable. La guitare reste bien sûr importante dans le dispositif mais elle n’assure plus ce rôle de duettiste avec la voix qu’elle avait précédemment. Elle s’insère désormais dans un ensemble au service de chansons réussies, même si elles n’ont peut être pas la cohésion du premier album. Lost and Found sonnait en effet, à bien des égards comme l’accomplissement d’une formule rodée et parfaitement maîtrisée. Juillet, en comparaison, se cherche davantage mais en est d’autant plus excitant, car il y a derrière ces dix chansons la promesse d’un groupe en pleine évolution. Le choix d’Alexis Fugain (de Biche) pour enregistrer l’album témoigne du cheminement. Il a concocté au groupe un son poli et sophistiqué aux accents seventies. La production constitue de la sorte une rupture avec l’approche (de Guillaume Siracusa et Nicolas Pommé) spontanée et brut de décoffrage de Lost and Found. Le groupe ne renonce cependant pas aux envolées indie-pop sautillantes, comme en témoigne la charmante Do You Understand ? dont le riff de guitare s’immisce immédiatement dans le crâne. The Light That Slept Inside ou Words sont d’autres belles réussites bondissantes.
From My Bruise to an Island dessine en filigrane ce que pourrait devenir prochainement le groupe. La chanson dévoile un angle d’En Attendant Ana que nous ne connaissions pas : des échos de Beatles surgissent de la mélodie tandis que le long crescendo a quelque chose de presque post-rock. Il évoque ainsi une version plus pop et moins bavarde des groupes canadiens du genre des années 2000. L’originalité de When It Burns ouvre aussi un nouveau champ de possibles à la formation. Recyclant (intelligemment) comme un lointain écho, la mélodie vocale de Down The Hill, titre d’ouverture, elle en donne une sorte de pendant nocturne se dissolvant dans les limbes de l’obscurité. Peut-être pas le morceau le plus accessible et satisfaisant à la première écoute, il offre cependant une respiration bienvenue à l’ensemble. Il y aurait certainement matière à savoir pourquoi elle a été placée en avant-dernière position plutôt qu’en conclusion de Juillet. Peu importe au fond, car ce disque est un ambitieux, courageux, téméraire témoignage d’un groupe en pleine reconstruction de son identité.