Écouter Scott Walker en regardant la neige tomber, cela se doit se nommer la perfection ? Et Pulp sans Steve Mackey, son bassiste légendaire, c’est toujours Pulp ?
Climats met en avant disques et livres selon les aléas de la météo.
Le printemps pour toujours
C’est un peu le cliché de la réunion entre vieux potes. Ça commence par des chips à la truffe hors de prix, achetés avec légèreté, par un des participants smicard. Des bouteilles de vin, représentant à peu près toutes les gammes, sont disposées sur une table trop petite. Il y a de la bière, aussi. Les conversations fusent entre Paul et Sergio. Ils seront trois et la dernière personne est en retard. Paul se dit qu’à l’avenir ils seront toujours aussi peu nombreux pour bavasser des heures durant de musique indépendante. C’est un drôle de sentiment d’espèce en voie de disparition. Mélange de fierté et de tristesse. Lorsque Sergio lance sur la platine le dernier En attendant Ana – car évidemment lors de ces réunions, tout est entendu sur vinyle – Paul se dit qu’il a écouté, longtemps, l’ensemble de son répertoire musical sans la moindre présence féminine. C’était une misogynie discrète mais bien réelle. Lorsqu’il était disquaire et qu’une jeune femme connaissait Beat Happening – c’était hors norme. LE miracle. Ce monde a disparu. Sergio vante Principia, la forme désuète des mélodies l’enchante, on y entend McCarthy, Camera Obscura, Electrelane et tant d’autres… La passion du name-dropping demeure, entre eux, ce vice inchangé. Arrive Marie, échevelée. La réunion peut démarrer et Marie entame la discussion par la mort du bassiste de Pulp, Steve Mackey. Paul voit des décennies s’effondrer devant lui comme de vieux bâtiments fragiles. Plus tard, ils écouteront Babies, ivres de gratitude et de chagrin. Paul plisse les yeux sous l’effet de l’alcool, Marie parle des Nits et de Broadcast et Sergio fume de manière lunaire. La vie continue, quoi.
Le SAV de l’hiver
Longtemps, Paul avait l’habitude d’écrire dans les bars les horoscopes de vagues connaissances. Ce truc absurde l’amena a piger pour un quotidien régional et à parler chaque jour de la densité organisationnelle du Taureau ou à la versatilité relative du gémeaux. C’est donc avec ravissement qu’il écoutait Marie narrer le nouveau livre de Liv Strömquist, Astrologie. L’humour décapant de l’autrice n’enlève en rien le sérieux du sujet. Le dessin punk de Strömquist intensifie l’effet de son name dropping, déclare Marie. Son assemblée ne peut qu’approuver. Évidemment, derrière l’aspect figé des signes zodiacaux, l’autrice décortique les stéréotypes et leur complexité. On ne verra plus de la même manière le poète Hölderlin ni le prince Harry encore moins Taylor Swift. Strömquist fait se rencontrer les théories structuralistes avec les pages astro – ce qui procure la plupart du temps d’immenses fous rires. Marie apprécie plus que tout à quel point Strömquist n’aime pas certains signes. Béliers, passez votre chemin. Et puis ces pages inénarrables concernant le philosophe Adorno…Paul se dit qu’il se remettrait bien à réécrire des horoscopes.