Est-il possible d’écouter 16 Lovers Lane sans attraper un coup de soleil et un coup de foudre au passage ? Et Animal Collective affublé d’un costume trois pièce, est-ce encore Animal Collective ?
Climats met en avant disques et livres selon les aléas de la météo.
Lumière première
Quel disque parcourir pour boucler une année ? Il y a ceux qui s’invitent – je me souviens d’une maladie de saison qui m’avait empêché de fêter le nouvel an. Alité, déprimé et seul, j’écoutais en boucle le Loveless de My Bloody Valentine entre deux vomissements. La fièvre et les effets de guitare du groupe sont toujours liés dans ma mémoire et je reçois ce disque comme une maladie d’amour. Et puis il y a les disques rituels, les rites de passages où l’on mixe nos propres espérances avec ce que la vie nous apporte. Ces habitudes musicales proches de la pensée magique sont nécessaires. Elles nous font éprouver le passage du temps. Il y a un groupe et un disque qui me reviennent sans cesse les dernières heures de l’année. The Go-Betweens et 16 Lovers Lane s’accrochent au fil des jours avec un naturel confondant. Après tout, il n’y a pas plus beau disque pour raconter le retour de la lumière, les fragments de nuit, le désir et la mélancolie. Un bouquet d’émotions qui restitue parfaitement l’année écoulée, à chaque fois. À l’époque, le groupe avait pensé cet album comme un chemin du retour, celui menant vers l’Australie en l’occurrence. Mais il faut imaginer ces revenants : de jeunes personnes confondues dans des passions amoureuses ou des ruptures, essayant de reconnaitre des lieux familiers mais qui, au final, ne reconnaissent que la lumière. C’est un point de départ cette réception de la lumière, c’est une vie nouvelle qui me fascine à chaque écoute.
Fleur de l’année
C’est une attente. Celle d’un épanouissement. Parfois, on ne veut pas patienter et notre vie ressemble péniblement à la vidéo de l’éclosion d’une fleur, vue en accéléré. Hypericon, fleur aux mille vertus, botanique de l’inattendu. Manuele Fior signe une bande dessinée remarquable, où il est question des milles saveurs du désir et de sa nature insaisissable. Teresa est une jeune femme qui mesure tout, note tout et prévoit l’ensemble de sa vie. Son monde agencé va pourtant trouver son point de rupture avec une rencontre inattendue. Ruben incarne bien là, cette part sauvage et parfois inacceptable qui sommeille en nous. Sensuel voire érotique, ce roman graphique mêle les époques – une histoire de la vallée des rois venant se malaxer à la folie berlinoise de la fin du XXe siècle. Manuele Fior ne choisit pas et privilégie l’ambivalence. L’ambivalence demeure le moteur narratif premier. On suit Teresa dans la découverte d’elle-même… On l’aperçoit arpenter ce territoire qui nous est longtemps inconnu : notre propre intimité. C’est une attente donc, celle de se révéler à soi-même.