Climats #27 : Marina Allen, Rachel Cusk

Peut-on écouter Wouldn’t It Be Nice durant un petit matin grêleux de janvier ?
Et Faith des Cure sous une tempête de sable, c’est toujours du Cure ?
Climats met en avant les sorties disques et livres selon la météo.

La pluie sur les gravillons

Héroïnes, héroïnes… Non, je ne vais pas parler de stupéfiant ou de Lou Reed, mais plutôt de toutes ces étoiles qui entourent l’imaginaire de Marina Allen. Ces constellations se nomment Laura Nyro, Sibylle Baier ou bien Karen Carpenter. Des modèles puissants, tragiques et merveilleux. Si je commence par des comparaisons – c’est une sale habitude de critique – je vais vite leur demander d’aller se perdre dans le feu. Juste faire partir en fumée tous ces repères rassurants pour, enfin, affronter la beauté. Affronter la liberté, la nôtre et celle de ce disque merveilleux… ça, ce n’est pas rien les ami•e•s. Centrifics possède l’aspect majestueux d’un être qui sait – intimement – que sa propre beauté ne durera pas. C’est une fin d’été où la lumière invite un peu le gris, une passion amoureuse qui ne reconnait plus la différence entre le sel des larmes de joie ou celui qui traverse les larmes de rage, c’est un parfum de peau que l’on finit par oublier le jour et qui revient la nuit dans les rêves… Oui, tout cela, innerve l’album de Marina Allen. On y entend une candeur confuse, foulée de noirceur. Les arrangements sont splendides, Allen habitant chaque chanson en sorcière duveteuse, étranglée d’émotions. Captivante, merveilleuse et distante. Étoile distante – comme l’écrivait Roberto Bolaño – que l’on veut serrer fort contre son cœur. Comment ne pas tomber amoureux ? Question éternelle.

Après les rafales de vent

Dans le dernier roman de Rachel Cusk, il y a beaucoup de personnages, de vies commencées, d’esquisses de visage et de pénombre. Puis, il y a un personnage principal plus abstrait – l’océan. L’immense océan qui nous oppose sa beauté. Et dans ce flux et reflux, une question nous obsède : l’art veut-il notre bien ou notre destruction ? C’est là, l’obsession de La Dépendance. On suit une romancière, son pas de côté, une femme s’extrayant du monde – s’isolant. Dans cette solitude se fige une fascination. Elle invite dans cet endroit qui lui importe plus que tout, un artiste qu’elle admire. L’épreuve de la réalité sera terrible. Cusk fabrique un huis clos sublime où les masques sociaux s’effritent lamentablement dans une nature au charme insensé. Longues batailles entre le rêve et les soupçons, entre l’amour et la jalousie punitive, tout cela forgeant la chute des protagonistes. Les falaises ne sont pas loin. Tous les couchers de soleils maintiennent leur beauté au fil des événements. Toute cette splendeur veut-elle notre réconfort ou notre mise à mort? Pas de réponses, heureusement.


Centrifics par Marina Allen est disponible sur le label Fire Records.
La Dépendance par Rachel Cusk est sorti chez Gallimard.

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