This could be the saddest dusk ever seen
You turn to a miracle high-alive
Michael Stipe
Peut-on écouter Vauxhall and I de Morrissey sous le franc soleil de juillet ? Et un Antônio Carlos Jobim empêtré dans un crachin de février, c’est toujours du Antônio Carlos Jobim ? Climats met en avant les sorties disques et livres selon la météo.
Lumières du matin
Je repensais, par hasard, il y a quelques jours à certaines des fascinations de Peter Milton Walsh. On avait échangé autour de Ravel et ses quatuors, Debussy aussi. La musique classique française l’a beaucoup marqué et innerve une grande partie de ses compositions. Souvent dans les suggestions musicales de Walsh, on retrouve This Mortal Coil. Puis par une analogie mystérieuse, je me suis souvenu de Virginia Astley. Ravel, Debussy et This Mortal Coil. Autant d’étoiles distantes qui gravitent autour d’Astley, qui la composent et éclaircissent son mystère. Sur la pochette de Hope In A Darkened Heart (1986), il y a une lourde mèche de cheveux blonds qui vient illuminer une ombre envahissante. C’est, finalement, un condensé assez juste de ce merveilleux disque. David Sylvian et Ryuichi Sakamoto ne se sont pas trompés en participant à cet exercice de mélancolie salutaire. Astley joue et pense comme Satie aurait créé avec un synthétiseur. Mais au contre du vieux garçon qu’était Satie, Virginia Astley propose une saveur proustienne, une douceur des formes qui fait de son disque une bulle intemporelle. Les compositions semblent n’en former qu’une car elles ont été imaginées avec la même pulsion. Cette pulsion, on l’appellera une tristesse joyeuse ou une crépitante nostalgie. Écriture contemplative, refusant les angles droits du réel, le tracé des notes d’Astley forme des volutes. Et on les regarde s’envoler, avec incertitude.
La montée de la nuit
Pour poursuivre la balade d’Astley, ce cheminement entre chien et loup, on ouvrira un livre. Une anthologie originale, au pas décalé. Camille Paix propose une visite très belle, profonde et bouleversante. Cela s’appelle Mère Lachaise. Ce qui est formidable dans ce projet, c’est l’incroyable foisonnement de ces vies rassemblées, de ces légendaires ou de ces grandes oubliées qui font entendre encore un peu de leur voix. On suit les pas de Camille Paix, qui d’une plume sautillante et élégante, raconte les destins de ces femmes. On sourit, aussi, devant la diversité des tombes. Ainsi la mort devient une intarissable source de création. Camille Paix déterre le matrimoine funéraire, avec inventivité et grâce. Dans un premier temps, on oublie assez rapidement qu’il ne s’agit que de femmes mais c’est un trompe-l’œil. Car plus on avance dans le livre, plus on parcourt les allées du cimetière, plus devient intolérable la mise sous silence de certaines de ces vies. Ainsi Gerda Taro dont le travail et le génie furent confisqués par son compagnon de l’époque Robert Capa. L’injustice traîne dans les caveaux. À la lecture de ce livre, on se rend compte aussi à quel point le cimetière de cette Mère Lachaise est un lieu bouillonnant. Cela vaut les micro-fictions de Régis Jauffret assez largement. C’est un honneur de découvrir ces vies parallèles, de les chérir. Et puis je ne manquerais pas d’avoir en tête, certaines des mélodies de Virginia Astley, lors de ma prochaine visite.
toujours autant de plaisir à te lire, ton univers, un brin mélancolique, est enchanteur … bises Marie