Clément Vercelletto, L’engoulevent (unjenesaisquoi)

Depuis quelques temps déjà, le label tourangeau unjenesaisquoi fait plus que susciter notre curiosité. Des disques aussi singuliers que In C pour 11 oscillateurs et 53 formes de Soia, Julien Sénélas, Jérôme Vassereau ou Curiositi de Nicolas Cueille ont conquis une place de choix au sein de notre imaginaire esthétique, en croisant la sophistication de la pop la plus aventureuse avec l’abstraction des musiques d’avant-garde. Des propositions uniques, difficilement situables dans le Kampfplatz contemporain, et qui possèdent une puissante force d’attraction et de fascination. Un label qui constitue un catalogue au sens le plus noble du terme donc, et dont la dernière sortie ne peut que confirmer la haute tenue. Le nouvel album de Clément Vercelletto en l’occurrence, qui frappe en effet par son « évidente » étrangeté.

Clément Vercelleto
Clément Vercelleto / Photo : DR

Déjà connu pour sa participation à des formations aussi radicales et libres que Arlt, Kaumwald ou Orgue Agnès, c’est aussi et surtout par une approche novatrice de la lutherie qu’il s’impose comme une tête chercheuse de tout premier plan − son utilisation hétérodoxe du synthétiseur modulaire avec son projet Sarah Terral, d’une boite à rythmes archéo-analo ailleurs, ou encore ici son exploration d’un instrument inédit créé avec la collaboration de Léo Maurel, l’engoulevent. Un nom qui évoque une famille d’oiseaux crépusculaires et nocturnes, qui selon un vieux mythe, téteraient le lait des chèvres. Nous sommes à priori au cœur d’une fantasmagorie naturaliste (La Tourmaline, Le serpent testa l’air), que l’instrumentarium décalé vient par sa forme et son mode d’utilisation convoquer. Sorte d’orgue électronique dont les tuyaux ont été remplacés par des appeaux contrôlés en midi, il dispose d’une richesse timbrale qui précisément invite à la rêverie (Hoedic long). Car ici, la répétition constitue la figure centrale d’une musique dans le même temps abstraite et organique.

Évidemment les grand-es représentants-tes du minimaliste ne sont jamais loin : Terry Riley pour la dimension hypnotique du disque, mais aussi Pauline Oliveiros pour l’écoute profonde à laquelle il invite. Mais c’est aussi le cas d’une constellation néofolk/trad : Yann Gourdon/La Nòvia/France (nouvel album bientôt), Lise Barkas et son travail autour de la vielle à roue, ou encore Turner Williams Jr. et son Shahi Baaja modifié. Difficile dès lors de ne pas être convaincu par l’importance du disque : en dépassant le fétichisme rétro de l’analogique omniprésent aujourd’hui en direction d’une nouvelle forme de synthèse low-tech, il ne s’y invente ni plus ni moins que l’un des devenirs possibles des musiques expérimentales.


L’engoulevent par Clément Vercelletto est sorti chez unjenesaisquoi

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