À 17 ans, on n’aurait jamais eu l’idée de chanter en français.
En revanche à 17 ans (en 1989 donc), on tentait bien de jouer dans un groupe dont les influences se rapprochaient dangereusement de celles de City Band en 2021, le disque est sorti à la fin de l’année, ce n’est pas une raison pour le passer sous silence.
On entend donc toutes nos mauvaises fortunes adolescentes dans un disque d’aujourd’hui et franchement, ça fout les boules. En bien.
Ils sont tous là : le Velvet, les Feelies, Felt, The Bats, East Village, The Go-Betweens, la belle affaire, la belle équipe.
À 17 ans, on n’aurait peut être pas osé nous dire que certains groupes auraient les mêmes influences que nous 30 ans plus tard, que ce serait finalement admis, et qu’en dehors d’une certaine nostalgie bien arrimée à nos basques, l’ennui nous saisirait plus souvent qu’à son tour. Ultimate Painting, Real Estate, The Proper Ornaments, The Reds, Pinks & Purples, presque que des bons disques, que de bon goût, pas une tache sur la planche à découper et pourtant, au-delà de la légitime sympathie, parfois, de vrais bâillements.
Alors pourquoi Diable faut-il que ce soit City Band, conglomérat francilien dont les membres ont déjà été repérés dans d’autres groupes (Bisou de Saddam, Albinos Congo, Unchained, Scenes From Salad) qui finalement nous fasse tomber de notre chaise ?
Par pur chauvinisme ? Vous plaisantez, j’espère.
Sûrement pas parce qu’ils le font mieux que les groupes précités non plus, au contraire.
Alors c’est peut-être justement ça : parce qu’il le font moins bien mais qu’ils le font vraiment.
C’est là toute la gloire de City Band, d’y être presque, mais pas tout à fait et ce faisant d’arriver à nous émouvoir comme rarement. Tout en chantant en français, ce dont on a d’ordinaire absolument rien à foutre. C’est une mélodie automnale chancelante qui nous a crotté l’âme pour toujours. Celle de cette pop mélancolique et souvent maladroite, dont les vrais rockers se moquent toujours, mais à l’époque c’était bien pire, croyez-moi. Ce glorieux cafard, ces incertitudes, ces entrelacs de guitares trébuchantes mais fluides, la stèle de Maurice Deebank (il est partout ici), notre teenage blues, quoi.
Et finalement City Band m’énervent un peu, parce qu’à 17 ans j’aurais précisément aimé jouer leurs chansons, je crois même que j’aurais même pu tuer pour ça.
PS : Jean-Christophe, Jacques et Frank, si vous me lisez, écoutez ce disque toutes affaires cessantes, les autres aussi d’ailleurs…