Christmas Lullaby

L’hymne de Noël de Shane MacGowan, regretté leader des Pogues, n’est peut-être pas celui qu’on croit.

Shane MacGowan
Shane MacGowan / Photo : DR

Comme Humphrey Bogart, Cab Calloway et le petit Jésus, Shane MacGowan est né un 25 décembre. La Camarde n’aura malheureusement pas laissé l’ancien leader des Pogues vivre jusqu’à Noël 2023, brisant le cœur des fans du plus destroy des bardes irlandais. Mais on peut déjà trouver miraculeux qu’elle lui ait foutu la paix jusqu’à l’âge de 65 ans, au regard de son train de vie quasi-suicidaire, à base de millions de cigarettes, de litres de whisky et de bière, sans compter les diverses drogues qui auraient dû avoir raison de lui il y a bien longtemps. Même Keith Richards n’aurait pas pu tenir la distance à un tel niveau de déglingue.

Depuis ses funérailles, comme un dernier hommage, l’hymne de Noël Fairytale of New York caracole en tête des charts, 35 ans après sa sortie, talonnant l’indétrônable Last Christmas de Wham!, dont le chanteur George Michael est ironiquement décédé un 25 décembre. Pour beaucoup, l’hymne de Noël que MacGowan a interprété en 1988 avec Kirsty MacColl s’impose comme le titre le plus emblématique des Pogues et il demeure d’ailleurs le single le plus vendu par le groupe. Pourtant, au-delà de cette bonne chanson, on trouve une myriade de titres des Pogues à mon avis supérieurs, comme les fabuleuses Rainy Day in Soho, The Broad Majestic Shannon, Lullaby of London, White City, Sunny Side of the Street, The Ghosts of a Smile, A Pair of Brown Eyes et tant d’autres encore.

Shane MacGowan
Shane MacGowan / Photo : DR

Mais j’ai remarqué que beaucoup d’admirateurs de Shane MacGowan période Pogues ont quelque peu négligé ses aventures solo, pourtant plus que dignes d’intérêt. Après avoir été viré du groupe en 1991, pour causes d’abus à répétitions l’ayant rendu totalement ingérable, le plus célèbre des édentés ne s’était pourtant pas endormi sur ses lauriers. En 1994, avec son premier album The Snake sur la pochette duquel il s’était plu à poser en Crucifié-, il avait montré qu’il n’avait rien perdu de son génie poétique et mélodique, en signant quelques superbes chansons comme  The Song With No Name, The Snake With the Eyes of Garnet ou encore Aisling. Et jusqu’en 1997, sur l’album The Crock of Gold, on trouvera encore quelques pépites comme la bouleversante Lomesome Highway, la très chouette More Pricks Than Kicks ou la formidable  Saint John of Gods (hymne au saint patron des malades mentaux), qui s’élèvent à mon sens à la hauteur des meilleures titres interprétés avec les Pogues. Certes, on sent que la booze, les clopes et les substances illicites ont abîmé le bonhomme, qu’il n’a plus la verdeur fougueuse de sa jeunesse, et que la voix est affectée par la perte de toutes ses dents de devant, rendant plus difficile la prononciation des consonnes, mais la magie opère toujours.

Il faut aussi se rappeler, sans qu’il soit nécessaire de le mettre en rivalité avec Fairytale of New York, que MacGowan a composé un autre superbe hymne de Noël, pourtant oublié, paru sur le trop méconnu CD 4 titres Christmas Party E.P., sorti en 1996. Cette chanson s’appelle Christmas Lullaby.

Ici Shane a peut-être la voix quelque peu pâteuse et on sent un degré inquiétant d’alcoolisation, mais on est d’autant plus touché, par contraste, par la mélodie presque enfantine et les paroles pleines de générosité, qui auraient de quoi briser le cœur à un Dieu, notamment dans ce passage beau à pleurer :

Heres to all the little kids
Who haven’t got no clothes
Heres to all the little kids
Who haven’t got no homes
It’s Christmas time in Palestine
It’s Christmas in Beirut
They’re scrapping ’round for rice
Not for tutti fruits
And the Christmas lights, they blew up
Now the ‘lecky’s all gone dead
I look like a coal miner
And I’ve a pain inside my head

Difficile également de ne pas être emporté par les somptueux arrangements de cordes, les flûtes irlandaises et la performance impeccable des Popes.

Sur ce disque remarquable figure aussi le très bon Paddy Rolling Stone, qui ouvrira un an plus tard l’album The Crock of Gold, ainsi qu’un une réjouissante reprise du  Hippy Hippy Shake des Swinging Blue Jeans, sur lequel le Shane O’Holligan des Nipple Erectors semble avoir repris du service. Mais on trouve aussi une version réussie et émouvante de Danny Boy, un traditionnel irlandais jadis enregistré par les Pogues lors de leur Peel Session de 1983. On se souviendra que la regrettée Sinead O’Connor, amie de MacGowan et décédée au cours de cette maudite année 2023, avait délivré une incroyable version a cappela de cette chanson le 24 décembre 1993 à la télévision, chanté avec MacGowan la très belle Haunted en duo, et appelé un de ses fils…Shane, en hommage au plus romantique de tous les punks.

Sinead O'Connor et Shane MacGowan
Sinead O’Connor et Shane MacGowan / Photo : DR

Ce soir, on lèvera bien haut nos verres à la mémoire de notre « paddy rolling stone » préféré et à celle de sa vieille copine, en imaginant la gueule de Saint-Pierre et des anges quand ils ont vu débarquer ces enfants sauvages au Paradis.


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