Bérurier Noir : Salut à toi la BNF

Tambour de mastO décoré par l’artiste Muzo. Fonds / Collection Heuer, Tomas (a.k.a mastO) © Élie Ludwig / BnF
Tambour de mastO décoré par l’artiste Muzo. Fonds / Collection Heuer, Tomas (a.k.a mastO) © Élie Ludwig / BnF

Les archives de deux des principaux membres de Bérurier Noir sont désormais à la BNF. Une expo en propose un petit aperçu. Celui d’une époque et du rock alternatif. Un enterrement ou héritage ?

La musique populaire, et surtout le punk , peuvent-ils rentrer dans le patrimoine de la nation ? Évidemment, d’une simple perspective chronologique (celle des cheveux blancs et des lunettes de vue), le temps de l’histoire, et de la mémoire collective, semble venue. Cependant, peut-on aborder les squats et les labels indépendants (Bondage Records, fondé au passage, entre autre, par le futur Kid Loco), comme Marc Bloch dressa le portrait complexe de ses rois thaumaturges. Ou au contraire finalement une telle entreprise s’impose désormais. Il faut après tout autant avoir lu Notre Jeunesse de Péguy que compiler la presse de l’époque pour appréhender l’impact de l’affaire Dreyfus. Alors nous savons, surtout pour ceux qui n’ont pas été de cette génération qui débarqua dans les années 80 en fuyant le rock giscardien de Téléphone, que la seule écoute sur Deezer de Macadam Massacre ne suffira pas…

Un constat partagé par Masto et Fanxoa, alias François, deux membres des feu Bérurier Noir. Ce dernier, chanteur emblématique en équilibre entre Mishima et Sham 69, est devenu lui-même chercheur et historien, spécialiste du Vietnam. Ils ont donc déposé leur archives personnelles à la BNF, qui aura la lourde tache de les numériser et les mettre à disposition du grand public sur le site Gallica, immense catalogue en ligne et en libre accès pour ceux ou celles qui préfèrent consulter les sources que de se fier aveuglement à Wikipedia.

Bérurier Noir – Affiche de l'exposition à la BnF
Bérurier Noir – Affiche de l’exposition à la BnF

Mais la BNF dite François Mitterrand sent un peu trop le souffre du pouvoir, de l’ennemi, de l’ordre établi. Avec d’inévitables cas de conscience pour les vétérans ou les gardiens du temple. François expliquera en se justifiant établir une distinction éthique entre le service public et l’État. Une dissociation qui prendra tout son sens lorsqu’une délégation CGT du personnel débarqua, avec drapeau et banderole, au moment du cocktail dînatoire (bière et champagne). « Nous, nous on est là même si Dati n’y est pas. » La ministre avait du oublier de noter la date sur son agenda. À moins que sa conception du punk penche davantage vers sa récupération fashion version Malcom McLaren que du coté des hymnes libertaires crachés par les hauts parleurs lors des cortèges CNT ou FA du 1er mai.

François expliquera aussi que Loran, l’autre figure emblématique du groupe, pourtant aventure collective, a catégoriquement refusé cette compromission, restant fidèle à sa mentalité « d’indien » qui brûle tout pour ne laisser aucune trace. Toutefois, désormais, le « rock alternatif », cette parenthèse désenchantée qui mit si longtemps a acquérir ses lettres de noblesse ou de révolte auprès des générations de Madférit ou autres enfants du rap, existe aussi à l’abri de ses murs davantage habitués aux chuchotement de médiévistes. Émilie Kaftan et Benoît Cailmail en ont tiré cette petite expo qui cherche à mettre en valeur ce fond singulier et atypique.

Des « archives miraculeuses » qui ont survécu au déménagements, aux incendies, aux oubliés dans une cave. Normal si l’on y pense, l’histoire est aussi écrite par les restants… Avec donc des objets, des fanzines, des affiches qui éclairent une épopée sociale et culturelle gavée de légende apocryphe, dont les traces survivent chez les disquaires ou dans quelques extraits vidéos sur YouTube ou le site de l’INA.. Et beaucoup de fantômes dorénavant… Pour preuve, ce blouson Long Binh Vietnam 67-68 : « On devait être trois à le porter dans le monde de la musique… moi, Alan Vega qui fut ma première inspiration, et Tai-Luc de la Souris Déglinguée.. » se souvient François. Suicide, la référence qu’on n’attendait pas. « Nous sommes de ceux qui écoutions Suicide mais n’avons pas été jusqu’au bout… » s’amuse-t-il en 2024. « Notre première ambition était de rester vivant… » conclut Masto.

En toute honnêteté, on est bien venu pour cela. A ce vernissage improbable et quelque part hors-cadre, bravant la pluie et le vent qui balayait l’esplanade de la BNF, une ambiance digne d’une BD d’Enki Bilal. Pour entendre parler des Swingo Porkies ou des Lucrate Milk. Pour discuter avec Nicolas Plommée de cette époque ou les Bérus finirent sur NRJ contre leur gré. Pour croiser Madj, l’ancien Teddy Boy qui servit ensuite de pont entre rock alternatif et rap français naissant (il apparaît sur un bout de pellicule ou les Bérus passent sur Radio Beur). Pour écouter Marsu, leur ancien manager, se souvenir de ce concert annulé quand ils avaient découvert qu’il avait été financé par Toubon. Pour avoir droit à notre petite séquence d’émotion personnelle, d’égocentrisme d’ancien combattant. Cette photo d’un concert sauvage des Bérus devant Beaubourg en 1985. Je les voyais pour la première fois. J’avais 14 ans. Ma mère bossait au BHV. Je coupais depuis les halles ou le RER A me déposait après avoir remonté, par train aux teintes aluminium, de ma banlieue lointaine via la gare de Lyon. Je ne savais même pas qui ils étaient. Le hasard accomplit parfois son office. Et maintenant la nostalgie est un mal nécessaire…

Les deux principaux protagonistes livrèrent, au fond de cette galerie des donateurs, un récital manifeste, saccadé d’un sax aux accents de free jazz et de revendications qui sonnent étrangement bien modérées dans une France qui n’a cessé de basculer à (l’extrême) droite. Avec parfois des touches d’ironie en guise d’autocritique. « Des boites à rythmes pour les Ehpads »... Finalement un beau résumé de la soirée.


Dans les archives de FanXoa et mastO de Bérurier Noir est actuellement visible à la BNF à Paris. Exposition en accès libre (entrée gratuite).

2 réflexions sur « Bérurier Noir : Salut à toi la BNF »

  1. Merci pour ces souvenirs inoubliables ! Je suis tellement nostalgique de cette période.
    Il m est arrivé à plusieurs reprises d’assister aux concerts des Ramoneurs des Menhirs (Quiberon, Locoal Mendon…), Loran (le Breton d’adoption) n’a rien perdu de sa verve et de son énergie ! Une reformation pour un bal des agités !
    Et que vive le Rock libre !
    Viva l’Apache, Loran, l’indestructible !………..(Jérôme, 53 ans)

  2. J’adore se groupe, terrible,de plus je suis de saint brieuc ou il m’arrive de croisée Laurane le guitariste régulièrement,il mon fait voyagé depuis le lycée…..

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