Being Dead, EELS (Bayonet Records)

Le secret Being Dead m’a été révélé il y a cinq ans par un fellow Austinite, de la part duquel j’avais reçu l’un de leurs premiers singles – Hot Car – accompagné de cette phrase qui met toujours du baume au cœur : « Je pense que ça va te plaire ». L’esthétique surf rock lo-fi et l’entrain du duo m’avaient emballée, mais j’étais loin d’imaginer (tout comme cet ami, témoin de leur parcours dans la capitale texane) que quelques années plus tard, l’un de leurs albums se hisserait dans les tops de fin d’année de tous les médias musicaux indés ou presque, Paste et Pitchfork compris.

Being Dead
Being Dead / Photo : DR

Il faut dire que When Horses Would Run, leur premier LP paru en 2023, était passé plutôt inaperçu – « trop lisse » selon ses auteurs. Bien que le très joli Daydream laissait entrevoir leur potentiel, tout ce qu’il était possible de faire avec ces deux voix singulières, le reste semblait déjà entendu et n’était simplement pas assez brûlant pour imprimer sa marque. C’est en découvrant cet été Firefighters puis Van Goes, singles à l’efficacité instantanée, concentrés de fureur de vivre, que l’on a su que les choses seraient différentes cette fois-ci. 

Ce qui fait le succès d’EELS est sans doute sa faculté immersive, sa capacité à immédiatement nous transporter ailleurs. Où ça ? Cela semble dépendre des souvenirs de chacun, puisqu’aucun journaliste ne cite les mêmes références lorsqu’il s’agit de parler de cet album (ce qui est plutôt bon signe). Chez nous, Xavier Mazure s’est projeté en 2003 avec The Aislers Set, quand je me suis rappelée 2011, Veronica Falls et les Vivian Girls. 

Il y a bien un rapprochement à faire entre nos impressions : c’est l’innocence – si ce n’est de l’insolence, cette manière de réveiller nos émotions, d’agiter devant nous ces désirs d’éprouver, d’aimer, de danser ? « Country boys and country girls / Dancing under the Lonestar stars », osent-ils répéter à deux titres d’intervalle (Big Bovine & Ballerina). Innocence aussi dans les allusions à l’enfance : dès la pochette et ses créatures nocturnes, puis tout au long de l’album dans le jeu des voix, liées en canon ou en harmonies, et dans les textes enfin. Il y a l’obligatoire bisou du soir (Goodnight), un cauchemar qui réveille (Nightvision), un hommage à un certain monstre japonais (Godzilla Rises) et même une analogie Disney (Dragons II) : « I’m not Prince Charming in Rapunzel’s world / There’s no dragon to fight off / There’s no tower to climb up / There’s not perch for your hair / And if there was, I’d just be pulling ». 

Dragons II, qui pourrait être le plus beau morceau de l’année ; la simplicité de quelques accords à la guitare acoustique, portant un chant plaintif, lointain, sur lequel une seconde voix vient créer cette combinaison qui transforme une simple chanson en attrape-cœurs (je pense à cette reprise des Fleet Foxes, maîtres en harmonies et en féerie à leur belle époque, qui me poursuit toujours, quinze ans après sa découverte). Le groupe est capable de ce genre de chansons qui fauchent tout sur leur passage, qui si elles vous ont touchées une fois resteront à jamais. 

Si EELS mérite ses louanges, c’est qu’ils se font rares, les disques qui réussissent, lorsque l’on se croyait éteint et qu’on ne s’attendait à rien, à faire lever les poils, à raviver une petite flamme. C’est l’effet qu’il semble avoir produit sur pas mal de monde cette année et, en allant taquiner dans les mémoires des moments de passion, de tendresse, de douce euphorie de soirs de fête, il nous a aussi rappelés que l’on était capables de revivre tout ça, que l’on allait revivre tout ça, bientôt.


EELS par Being Dead est sorti chez Bayonet Records.

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