Aoife Nessa Frances, Land Of No Junction (Ba Da Bing Records)

Land of No Junction est le premier album de la nord-irlandaise Aoife Nessa Frances qui n’est pas une complète inconnue puisqu’elle a fait ses armes dans le courant des années 2010 en tant que moitié du duo confidentiel shoegaze Princess qu’elle formait alors avec son frère. Du shoegaze des débuts, la chanteuse a conservé ce phrasé aérien mais a troqué les atmosphères vaporeuses pour un retour appuyé à ses racines folk. Pour cela, elle s’est entourée du talentueux guitariste Cian Nugent, à la production et cosignataire d’une bonne part des compositions, dont on comprend à l’écoute du disque que l’apport a été significatif. De fait, comme sur les œuvres de l’irlandais (dont on conseillera vivement le très abouti Night Fiction paru en solo en 2016), on retrouve cette faculté à intégrer aux influences folk traditionnel des visions psychédéliques pastorales ou encore de l’indie-pop, agrémentées en sus ici d’un brin de chamber pop et d’une excentricité telle qu’affichée ces derniers mois par des artistes comme Cate Le Bon ou surtout Aldous Harding à laquelle on pourra parfois songer. Comme la néo-zélandaise, Aoife Nessa Frances parvient à offrir une modernité naturelle à des genres pourtant largement explorés, via notamment cette interprétation sobre, héritée du shoegaze, moins habitée et démonstrative que ses ainées.

Le disque commence par l’étrange Geranium et sa batterie synthétique métronomique relevée d’arpèges de guitare et de nappes fantomatiques d’orgue pour un mantra enivrant, possiblement la chanson la plus catchy mais pas la plus représentative. Les quelques accords primitifs de guitare acoustique qui débutent ensuite Blow Up annonce des ambiances plus épiques soutenues par un quatuor à cordes dont les orchestrations, brillantes, semblent héritées du grand Robert Kirby (orchestrateur mythique du british folk des années 70). Here In The Dark, dans une veine proche, montre une musicalité encore plus riche, alliant guitares sèches, piano, cordes et batterie lancinante, et dont les envolées du refrain sont absolument irrésistibles. Ailleurs, la cavalcade de Libra et ses entrelacs de guitares parfaitement maîtrisés accompagnent les incantations vocales de la native de Dublin dont le timbre de voix, ample et chaleureux, est envoutant de maîtrise et de sobriété. Less Is More annonce comme une devise une autre chanson rappelant elle les Tindersticks des débuts, cet orgue trainaillant, les nappes sourdes de guitares saturées et cette voix qui flotte sur la mélodie. Land Of No Junction, le final aux cordes dissonantes, clôt à l’ancienne un disque qui, plus qu’une première œuvre, montrent deux artistes dont la maturité musicale semble ici complète.

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