La suédoise Alice Boman s’est fait connaître en 2013 au travers d’un Ep, Skisser, constitué de démos timides qu’elle n’avait probablement jamais destinées à quelconque public. Des débuts prometteurs qui n’annonçaient pourtant pas l’insolente évidence de ce premier album qui se sera donc fait attendre. Les plus assidus se rappelleront tout de même du très beau single Dreams paru en 2018 qui annonçait bien les thématiques du présent LP. La présence aux manettes de Patrik Berger, producteur bankable de Charli XCX, Robyn ou encore Lana Del Rey et Miike Snow aurait pu laisser craindre un recadrage pop grand public de la native de Malmö. Il n’en est heureusement rien, au contraire même, le producteur suédois a su donner, avec une économie de moyens salutaire faisant acte de foi, une ampleur dramatique subtile et élégante aux ritournelles intimistes de la demoiselle. À l’image d’une pochette présentant une photographie de la chanteuse comme surprise au lever du lit, les thèmes abordés ici le sont souvent sur le mode de la confession sans fard. Ruptures amoureuses, temps qui passe ou encore autodépréciation, autant de thèmes récurrents qui viennent nourrir une vision du monde post-adolescente qui aurait pu rendre le disque imbuvable. Cela prend heureusement tout son sens avec l’interprétation en-dedans et éthérée qui parait constamment flotter sur les mélodies, proche de l’auditeur mais comme distante de son propre propos.
Dream On s’ouvre ainsi sur la mélancolie un peu trop appuyée de Wish We Had More Time, chanson de prime abord sans relief mais qui imperceptiblement sombre dans un obsessionnel dérangement en ressassant de façon trop marquée son refrain titre. Plus loin, The More I Cry, utilise peu ou prou le même procédé pour un résultat encore plus prenant ; Everything reminds me of you y chante-t-elle d’une candeur clinique, et ça finit par faire froid dans le dos. Ailleurs, le doucereux Who Knows accueille des cors fantomatiques et un arpège de piano lancinant noyé dans l’écho sur lesquels la chanteuse vient d’une voix à la neutralité inquiétante énumérer ses peurs, la mort évidemment mais surtout celle de ne jamais connaître le véritable amour. On nage en plein univers lynchien et c’est très réussi, jusqu’à ce léger accent suédois assumé et cette diction naturelle qui viennent, par leurs imperfections, ajouter une part de mystère à ces atmosphères feutrées et trop belles pour être vraies. On songe également à sa brillante compatriote Sarah Assbring d’El Perro Del Mar qui, plus éthérée, moins intimiste, partage une pareille obsession pour les torch songs hypnotiques aux accents 60’s, notamment sur le trop sous-estimé From the Valley to the Stars (2008) auquel Dream On, certes moins aventureux sur la forme, pourra être rapproché.