Qui s’intéresse au domaine des musiques expérimentales a de grandes chances d’avoir déjà croisé le nom d’Alexandre Bazin. Comme réalisateur et collaborateur de l’excellente émission L’expérimentale sur France Musique, ou encore comme réalisateur de reportages de tout premier ordre sur ces mêmes musiques (mention spéciale à l’émission consacrée à l’histoire du synthétiseur de recherche Serge). Mais aussi et surtout comme compositeur et musicien, que ce soit avec Jonathan Fitoussi dans le cadre du duo électronique Two Colors, ou encore en solo avec différents projets parus sur Important Records, Umor Rex, ou encore Polytechnic Youth.
Un travail qui a pu fil des années imposer Alexandre Bazin comme l’un des plus intéressants représentants d’une scène caractérisée par l’exploration des sonorités analogiques et par la redécouverte de l’électro-acoustique – aux côtés par exemple de Byron Westbrook, Caterina Barbieri ou Kaitlyn Aurelia Smith. Et ceci est finalement peu étonnant de la part d’un membre du prestigieux GRM que de s’inscrire au sein de cette communauté aventureuse, avant tout marquée par la volonté de poursuivre le geste moderniste inaugural des grands pionniers de l’expérimentation électronique. Une filiation assumée qui n’en élude pas moins l’impératif d’une écriture pop, comme l’atteste magistralement son dernier LP Concorde qui vient de sortir sur Kowtow Records. Un disque à la croisée de l’ambient, d’un psychédélisme sous-perfusion kraut (on pense ici à Zombie Zombie ou Bitchin Bajas) ou, comme nous avons déjà pu l’indiquer, d’une certaine abstraction électronique. L’intérêt que porte Alexandre Bazin aux timbres si particuliers des synthétiseurs oldschool – Buchla et EMS Synthi en tête – se voit ici mis au service d’un travail mélodique et harmonique à la précision impressionnante : des titres comme Supercollider et It Comes in Waves incarnent à merveille cet équilibre si subtil entre formalisme, constructions abstraites et évidence pop. C’est notamment la présence d’une rythmique (sur Dunes ou White Arrow par exemple) qui permet de soutenir et redéployer arpèges et nappes planantes, et qui évoque assez souvent le Ralf Und Florian de Kraftwerk ou certains disques mythiques d’Harmonia. Les influences minimalistes et répétitives sont aussi évidentes ici : avec un titre comme Superior Aero par exemple, nous sommes bien en terrain nord-américain.
Nous pouvons alors le comprendre, la beauté de ce disque réside dans sa capacité à investir les codes de ce que l’on pourrait nommer avec le théoricien Mark Fisher un « modernisme populaire ». Un manière de contourner une certaine raideur avant-gardiste par un art de la composition et de la construction sensible.