La Movida madrilène a animé frénétiquement l’entrée en démocratie de l’Espagne après la dictature franquiste. Cinéma, arts plastiques et musique : pendant quelques années, Madrid fut un peu le centre du monde. Ces saisons marquèrent profondément la création ibérique. Au milieu du maëlstrom, une place de choix doit être accordée à la lignée Kaka de Luxe – Alaska y los Pegamoides – Parálisis Permanete – Alaska y Dinarama. En quelques années, la bande espagnole vibre du punk jusqu’à la new wave la plus moderne. l’histoire démarre en 1977 avec la formation Kaka de Luxe. Si celle-ci ne publie qu’un seul EP de son vivant (auquel il faut ajouter un album posthume), le groupe suscite des vocations. Fragilisé par des départs au service militaire, Kaka de Luxe disparait en 1979, non sans donner naissance à une nouvelle formation : Alaska y los Pegamoides.

Le line-up changera au fil des ans, mais sa version la plus stable, celle de l’album, comprend Alaska (chant), Nacho Canut (basse), Ana Curra (claviers), Carlos Berlanga (guitare) et Eduardo Benavente (batterie). De long format, Alaska y los Pegamoides n’en publient qu’un seul, en 1982, alors que le groupe se disloque. Grandes Éxitos n’en sera pas moins un beau succès commercial, dans les dix meilleures ventes de 1982, avec 50 000 exemplaires. Au-delà d’une existence éphémère, Alaska y los Pegamoides offre un témoignage passionnant sur cette période charnière. Après le punk, le groupe s’éprend de la scène post-punk britannique et la retranscrit librement dans sa musique. Siouxsie and the Banshees est un modèle mais le groupe ne cherche pas à voler de trop près dans les ailes des corbeaux anglais. D’autres influences affleurent ici et là, comme les B-52’s. Comme le groupe d’Athens, nos Madrilènes ont un univers proche de la série B, presque camp par moment. Grande Éxitos démarre en trombe sur un des singles de l’album, Bailando, grand tube du groupe !
La chanson est une déclaration d’intention irrésistible. Funky, rythmique disco, avec une touche de bizarre, difficile de résister à l’envie de danser sur Bailando. Le groupe ne s’arrête pas en si bon chemin. La Línea Se Cortó, Tokyo (et sa thématique japonisante à la Vapors), ou Rosa y Verde développent une approche tout aussi efficace. Alaska y los Pegamoides ne se contentent pas, heureusement, de décliner une même recette à l’envie. Le groupe prend aussi des chemins de traverse. Vicky est une plongée dans un punk pop et nerveux, pas si loin des Buzzcocks tandis que la formation se fait aussi parfois plus sombre (Redrum ou No Sé Porque). Estrategia Militar accompagnerait à merveille les aventures de James Bond. De tout cela, il résulte un album aussi consistant que réussi. Il plaira aux amateurs de post-punk et new wave à travers les pays, quelque part entre les productions de ZE (Lizzy Mercier Descloux) et les disques les plus dansants d’Angleterre ou France (Casino Music, Octobre, Etienne Daho). Grandes Éxitos retranscrit allègrement une courte mais si importante période. Surtout, l’album signe la naissance d’une des stars espagnoles les plus baroques : Alaska. Musicienne dans Kaka de Luxe, elle prend ici le micro et affirme un style singulier, sa marque de fabrique par la suite (Alaska y Dinarama, Fangoria etc.). Alaska y los Pegamoides est ainsi un pivot dans l’histoire de la musique pop, mais leur unique album est surtout sacrément bon !
Pour ma part, découverte fascinante, de ce même pays et cette même période, du groupe « la mode » dont il me semblait qu’un des membres était aussi issu de Kaka de luxe..