Alain Kan, L’enfant veuf (Séguier)

Alain Kan / Photo : DR Séguier
Alain Kan / Photo : DR Séguier

Dans la préface l’élégance de la chute, Philippe Roizès commence par ces mots, « J’ai loupé Alain Kan. ». Il n’est pas le seul. Moi aussi, j’ai loupé Alain Kan, pour une raison toute simple : j’étais beaucoup trop jeune et provincial. Pour autant, il a toujours été là, sans que je le sache vraiment, quand j’écoutais avec obsession Minuit Boulevard, l’un des chefs d’œuvre de la musique française qu’il avait coécrit avec Christophe. Je me souviens d’ailleurs d’une interview où Christophe s’était mis à parler de cet homme, disparu sans laisser de traces en 1990 – Pas vu, pas pris – et dans son regard, j’y ai perçu une tristesse qui ne s’était jamais éteinte et qui m’avait troublé. C’est ça Alain Kan, une présence, un fantôme, qui apparaît, puis disparaît, sans que l’on sache pourquoi.

Aujourd’hui, il réapparaît sous la forme d’un roman, L’Enfant veuf, accompagné d’un texte biographique écrit par Philippe Roizès ainsi que divers documents inédits (photos, dessins, correspondances …). Doit-on d’abord lire qui était Alain Kan – le saura-t-on un jour vraiment ? – ou entrer, sans filet, dans ce court roman, L’Enfant veuf, qui est, pour reprendre les mots de Philippe Roizès, « Un journal intime virtuel, un voyage au bout de la nuit et du douloureux vide qui lui succède » ? Peu importe, quoiqu’il arrive, vous ne serez pas préparé à ce qui va suivre. D’abord, les six pages de l’avant-propos et cette écriture stroboscopique, ces phrases comme un larsen insupportable, ces mots comme collés les uns à la suite des autres, sans aucun lien apparent, et au milieu, certaines vérités qui frappent « Tout n’est qu’abject et je m’égare dans ce banal immondice. » -. Après ces six pages – While light / White heat – vous plongerez dans Paris et ses nuits d’excès et d’errance, Paris et ses solitudes qui se rencontrent et puis, vous assisterez – est-ce un livre ou un film ? – à une folle histoire d’amour. Vous y trouverez aussi Lou Reed, David Bowie, William S. Burroughs, Xavier De Maistre, Marcel Proust, Joris-Karl Huysmans, Henri-Pierre Roché, et d’autres. Ils sont là sans être là – comme Alain Kan – entre les lignes, dans certains mots. Ils ont fait Alain Kan, ils se retrouvent, logiquement, dans son écriture. Alain Kan dit qu’« il n’entend rien proposer sinon les clichés, les mots, les fièvres qui collent à la peau ». On pense alors à Yves Adrien et Novövision, les confessions d’un cobaye du siècle, écrit à la même période. Mais L’Enfant veuf est lui, moins chic, plus humain, la force de ce court roman – court comme un 45 tours punk – étant cette belle histoire d’amour entre les deux personnages, Jules et Jim, l’écriture d’Alain Kan y étant bouleversante, lumineuse et ce, même si certains passages sont douloureux à lire, à vivre.

Le livre se termine – on dirait que je parle d’un film alors que .. – et je me le repasse – on dirait que je parle d’un disque alors que … – et perdu dans les pages de L’Enfant Veuf, je me dis que si je rencontrais Alain Kan, en 2024, je lui dirais : « Merci ».


L’enfant veuf d’Alain Kan est sorti aux Éditions Séguier

BONUS Un court roman, une courte playlist…











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